Des films anciens ou récents, inédits ou culte ; des entretiens avec des cinéastes ; des filmographies thématiques. Le documentaire sous toutes ses formes.
Cinéaste portugais, il a beaucoup travaillé en France. Il est aussi l’auteur d’installations internationales (Rotterdam, Lyon, Bilbao, le Japon). C’est un habitué de festival de Locarno et il a aussi été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.
A la tribune. Bénédicte Loubère, 2020, 2X52 minutes.
La parole politique officielle. De grands moments de l’histoire contemporaine : la naissance de la V° République (De Gaulle), la légalisation de l’avortement (Simone Veil), l’arrivée de la gauche au pouvoir (Mitterrand) , l’abolition de la peine de mort (Badinter), le mariage pour tous (Christiane Taubira)
Ne nous racontez plus d’histoires. Carole Filiu-Mouhaki et Ferhat Mouhali, 2020, 88 minutes.
Un couple mixte. Lui est algérien et elle française. Elle est journaliste et lui cinéaste. Ils décident de faire un film ensemble. Sur le sujet qui leur tient le plus à cœur : la guerre d’Algérie, vue aujourd’hui des deux côtés de la Méditerranée.
Un film enquête à deux voix, qui s’interpellent, qui se répondent, qui se complètent. Un dialogue familial d’abord, mais qui prend une très vitre toute autre dimension pour devenir un dialogue entre deux pays, deux visions d’une même réalité historique, les systèmes de représentations des différents belligérants. Les deux camps sont-ils enfin réconciliés ?
La guerre d’Algérie a-t-elle encore ses zones d’ombre ? Des faits inconnus, ou passés sous silence, ou oubliés, ou devenus tabous ? Que reste-t-il encore à découvrir, à mettre au grand-jour, dans cette réalité si complexe, et qui qui peut réveiller bien des souffrances chez les différents acteurs et leurs descendants. Faut-il réveiller les vieilles plaies ? Se sont-elles d’ailleurs jamais refermées ?
L’enquête menée par notre couple de cinéaste commence par une implication personnelle dans le cadre familiale. Carole interroge son père, pied-noir rapatrié en France juste avant l’indépendance de l’Algérie. Comment se retour s’est-il passé ? Fallait-il partir le plus vite possible, sans attendre un dénouement inévitable ? Ou rester coûte que coûte, comme ceux qui vont devenir les activistes de l’Algérie française. Le père évoque ses souvenirs d’enfance, le choc du premier attentat. Il feuillette avec sa fille son album de famille, commente les photos de cette vie heureuse qu’il faudra abandonner.
Ferhat lui interroge sa grand-mère. Il doit insister pour qu’elle raconte les années de guerre. Elle énumère les morts, ceux qui ont été torturés et tués par l’armée française. Elle chante une chanson, la chanson de la résistance à l’occupation française. Le cinéaste propose alors beaucoup d’images de la Kabylie, des plans fixes sur les montagnes. Un hommage aux combattants de cette région.
Les deux enquêteurs s’efforcent chacun de leur côté d’évoquer les faits et de donner la parole aux différents acteurs de l’histoire. Du 8 mai 45 (le massacre en répression d’une manifestation) au déclenchement de la « révolution » algérienne (une cérémonie dans une école pour son anniversaire). Carole se rend dans un lycée dans le lot et Garonne, interroge profs et élèves. Un enseignant d’histoire insiste sur le peu de place donnée à cette guerre par les programmes et les manuels scolaires. Pas étonnant alors que les élèves en ignorent presque tout. Carole filme un cours où sont invité d’anciens soldats de l’armée française, ces appelés qui partaient en Algérie sans savoir qu’ils allaient faire la guerre. Une jeune fille pose la question « avez-vous pratiqué la torture ? ». La réponse affirmative est franche, et d’expliquer alors l’usage de la gégène. Un grand moment d’éducation.
Le film se focalise ensuite sur différentes facettes de la guerre et de ses répercussions. Des rencontres toujours signifiantes et qui donnent une vision très lucide de l’histoire. Ainsi de ce représentant des « pieds-noirs progressistes », ou ce « porteurs de valise », ces jeunes étudiants qui clandestinement venaient en aide aux algériens en France. Côté algérien ce sont des militants du FLN qui ont la parole.
A noter une séquence très documentée sur le problème des Harkis, illustrée par des images du camp de Rivesaltes dans les Pyrénées orientales où ils furent « internés » dans ce qui était un véritable camp de concentration malgré la dénégation officielle.
A propos de la guerre d’Algérie, le devoir de mémoire reste fondamental. Par sa densité et sa rigueur ce film œuvre grandement à la réconciliation.
Le périmètre de Kamsé. Olivier Zuchuat, Suisse-France-Burkina Faso, 2020, 93 minutes
Le nord du Burkina Faso, une Afrique menacée par la désertification, par la famine. Une Afrique qui a soif et qui voit ses garçons les plus jeunes partir, en Côte d’Ivoire par exemple, en quette d’une vie meilleure. Comment peut-elle survivre.
L’histoire d’un village, Kamsé, qui va réagir, qui va s’organiser pour trouver une solution, pour prendre en main son avenir et qui, grâce au travail de tous, et en particulier des femmes, fera vaciller le socle de la fatalité.
Le film d’Olivier Zuchuat n’est qu’un exemple. Mais justement, il peut servir d’exemple. Parce qu’à Kamsé c’est la volonté collective qui prend en charge les destins individuels.
Dans un premier temps, il s’agit de réfléchir et de se renseigner sur les expériences qui ont fait leur preuve. Ainsi, les hommes vont se rendre en vélo et en moto, au village voisin, Goméa, qui a créé une ferme où l’eau est maitrisée grâce à des digues, où on utilise du compost et où, grâce à toutes ces techniques modernes, l’agriculture réussit à nourrir la population tout en protégeant l’environnement. Un exemple dont le village de Kamsé va s’inspirer.
Le film va suivre cette expérience pas à pas. Jusqu’au plan où les épis de mil remplissent tout l’écran.
Mais nous sommes en Afrique. Il n’est donc pas question de renoncer aux traditions, même si les techniques modernes mises en œuvre peuvent ouvrir des horizons nouveaux. Avant toute chose donc, on interrogera les anciens et on s’imprégnera de leur sagesse. Puis il s’agira de respecter le bosquet sacré, qui deviendra communautaire, mais qui restera interdit à la chasse et aux cultures. Et lorsqu’il ne pleut pas, on continuera à sacrifier des poulets.
Un mélange de modernisme et de traditionnel donc, où chacun semble trouver sa place. Le film, sans jamais se vouloir démonstratif ou explicatif, met bien en évidence cela à propos de la répartition des tâches entre hommes et femmes. Quant il s’agit, au début du film, de discuter, d’aller voir les voisins, de concevoir, de prendre des décisions, les femmes sont absente. La palabre est une affaire d’hommes. Mais lorsqu’il faut se mettre au travail de force, alors les femmes sont là et bien là, pioches à la main, et elles ne ménagent pas leur peine. Sans elles le projet n’avancerait pas. Mieux, il n’est possible que par leur travail. Un bel hommage aux africaines, en dehors de leur rôle de mère ou de cuisinière.
Un film optimiste. Mais pas totalement pourtant. La radio diffuse des informations alarmantes sur les attentats djihadistes dans le pays. L’Afrique peut-elle échapper à la douleur ?
Des films dont l’implication personnelle est très forte. Un cinéma le plus souvent en première personne. Un cinéaste handicapé qui filme le handicap de l’intérieur, son handicap, tous les handicaps.
Le reflet du lac. Fernando Segtowick, Brésil, 2020, 80 minutes.
De l’eau, beaucoup d’eau. Des bateaux, beaucoup de bateaux. De simples barques ou de petites embarcations à moteur. Idéales pour transporter du matériel ou quelques voyageurs. Dès la nuit, ils circulent sur les eaux du lac.
De vastes étendues d’eau. Filmée au raz de la surface ou bien en plongée vue du ciel pour dominer l’immensité de l’espace. Et des arbres. Ou ce qu’il en reste. Des souches ; inondées. Ou des troncs morts qui émergent de l’eau. Des noyers du Brésil. Une espèce en voie de disparition. Est-il possible d’en filmer un intact ?
Nous sommes au pied du barrage de Tucuriu, dans l’Amazonie brésilienne. Une région de production d’aluminium. Une production très gourmande en énergie. D’où la construction d’une centrale hydroélectrique (une des plus grande du monde) et du barrage qui lui fournie son eau. Un lac artificiel donc qui a noyée la région mais dans lequel la vie continue sur ses îles. Il n’empêche, il a bouleversé la vie des habitants.
La première partie du film nous entraine sur le lac à la suite d’une équipe de cinéastes – des documentaristes – venue tourner un film sur la région. Ils réalisent quelques entretiens, pas toujours très réussis d’ailleurs tant les habitants du coin sont peu bavards. Pour renforcer cette dimension de film dans le film, le réalisateur nous offre quelques images d’archives, du temps où le lac n’existait pas et où le ramassage des noix du brésil était un travail spécialisé. Les allers et venues des cinéastes – embarquer et débarquer le matériel- sur le lac laissent à penser que le cinéma n’est pas toujours une partie de plaisir. D’ailleurs le film abandonne assez vite cette dimension pour proposer une immersion dans la communauté des habitants de Tucuriu avec les moments caractéristiques de leur vie, l’assemblée religieuse ou la soirée au bar où l’on chante et on danse. Le tout filmé « en douceur », pour respecter le rythme des bateaux sur le lac.
Le film est en noir et blanc, ce qui permet des recherches plastiques souvent très réussies, utilisant beaucoup les contre-jours et les reflets à la surface du lac (cf le titre du film). Toute une séquence s’arrête sur les arbres morts, filmés en contre-plongées, véritables statues racontant leur mort venue des eaux.
La dernière séquence montre la forêt en feu, ce qui nous rappelle que l’Amazonie est aujourd’hui de plus en plus maltraitée et mise en péril par des entreprises humaines peu soucieuses – c’est le moins que l’on puisse dire – de l’avenir de la planète.