Ceci est mon sang. Homa Moeini, 2017, 73 minutes.
On ne peut pas oublier le sida. Même s’il n’est pas toujours dans l’actualité. Malgré les progrès des thérapies, il détruit toujours des vies.
On ne peut pas oublier non plus – il ne faut surtout pas oublier – le scandale du sang contaminé. Même s’il n’est plus dans l’actualité. Il est là pour nous rappeler les responsabilités des gouvernants. Au-delà des personnalités des ministres, au-delà du procès qui les concerna et son verdict, c’est fondamentalement de l’étique du pouvoir dont il est question.
Le film de Homa Moeini nous plonge au cœur du scandale, non pour refaire le procès et chercher des coupables. Mais pour montrer concrètement les conséquences désastreuses pour des personnes, même si elles ont eu la chance de survivre. Survivre, mais à quel prix !

Le film suit le cas de quatre rescapés du sang contaminé. Trois hommes et une femme. Deux Français et deux Iraniens. Quatre portraits donc détaillant les conditions de leur contamination. Quatre rencontres, puisque nous rentrons dans leur vie intime, leur vie familiale et professionnelle, leur souffrance surtout. Il nous montre aussi comment malgré toutes ces douleurs, physiques et morales, ils continuent de vivre, comment ils s’accrochent à la vie. Quatre exemples d’un héroïsme quotidien, banal en somme, loin des éclats des médias.

Ceci est mon sang s’ouvre sur le cas de Sylvie. Il se fermera aussi sur elle. Les trois autres sont tout aussi sincère. Mais c’est peut-être le plus poignant, quoique c’est bien tout le film qui nous émeut. L’émotion de la vie malgré tout. L’émotion de la vie confrontée quotidiennement à la mort. Comme le dit Sylvie, le matin, au réveil, devant son image dans un miroir, elle s’étonne d’être encore en vie. Elle peut alors savourer sa vie, une vie luxueuse sans doute, mais elle affirme être prête à donner tout ce qu’elle possède en échange de la santé. Les plans du film sur les pilules qu’il lui faut prendre quotidiennement, comme ceux des prises de sang et autres traitements des autres personnages du film, sont là pour nous rappeler que vaincre la maladie ne va jamais de soi. Une victoire qui peut être remise en cause à chaque instant.
La particularité du travail de Homa Moeini, c’est d’être allée en Iran, où le sang contaminé avait été exporté par la France. La France où il n’a pratiquement jamais été question de ces victimes lointaines, si faciles à ignorer. Portant les cas qui nous sont présentés sont tout aussi forts que ceux de notre pays, tout aussi révoltants quand on voit comment le sida isole et détruit toute vie sociale.

Pourtant, Ceci est mon sang n’est pas un film morbide. Il ne se complait pas dans un apitoiement facile. Et s’il regorge de plans d’une grande beauté plastique – sur les autoroutes urbaines ou les montagnes iraniennes – ce n’est certes pas par simple souci esthétique. C’est tout le filmage du film qui nous rappelle que la vie n’a pas de sens sans la perspective de la mort. Mais qu’elle n’a de sens véritable que lorsqu’elle triomphe de la mort.
