L’empire de la perfection. Julien Faraut, 2018, 90 minutes.
Le portrait d’une vedette, d’une star incontestée du tennis mondial, dont le souvenir reste encore bien vivace, bien au-delà du cercle des passionné de sport. Un sportif qui n’est pas oublié parce qu’il a su, tout au long de sa carrière, se forger un personnage, le gamin (il a un look juvénile avec ses cheveux bouclés) râleur, toujours prêt à contester les décisions de l’arbitre, surtout lorsqu’elles lui sont défavorables. Assurément, il assurait le spectacle, bien au-delà de sa maîtrise, – tutoyant la perfection – de sa technique tennistique.
Un lieu clos, Rolland Garros, et son tournoi de tennis. Nous ne sortons pas du cours. Et très peu de plans ne sont pas réalisés en match (ou alors juste avant ou juste après, dont une petite séquence d’échauffement). Nous n’allons pas dans la vie privée du champion, même pas dans les vestiaires. Rien sur son histoire personnelle, sa jeunesse, sa famille (seulement quelques plans fugaces sur ses membres qui sont dans le public de la finale de 1984.) Rien non plus sur sa carrière, son palmarès (en dehors d’un carton rapide en fin de film). De toute façon il n’y aura pas un mot non plus sur le vainqueur de cette fameuse finale qui occupe la plus grande partie du film. Pas le moindre gros plan sur lui. On en a que pour McEnroe. McEnroe, mauvais perdant, mais perdant magnifique.
Un sport, le tennis, à son plus haut niveau, décortiqué avec moult ralentis et répétitions. Le service de McEnroe fait l’objet d’une animation en image de synthèse (une image fil de fer) censée nous en montrer la spécificité (mais il n’est comparé à aucun autre joueur). Ce qui nous est surtout montré, c’est le côté spectaculaire de ce sport, ce qui dans le cas de McEnroe est fortement renforcé par sa personnalité et ses esclandres incessantes. La finale en question est filmée avec une avalange d’effets de dramatisation, avec une insistance particulière sur la durée du match.
Au final, un film qui échappe en grande partie aux canons du cinéma sportif. Ou plutôt, qui pousse à l’extrême ces dits canons. Le suspens, la dramatisation de la compétition, le dépassement de soi du champion, sa dimension géniale, hors du commun, inaccessible donc, et le culte de l’effort au-delà des limites humaines. Tout cela est bien présent dans L’empire de la perfection. Le film ne se donne aucunement comme une critique ou une mise à distance de ces « valeurs ». Au contraire, il les martèle avec insistance. Mais cela résonne bizarrement dans le cas de McEnroe, toujours si désagréable et à la limite du supportable. Au fond, c’est comme si on nous disait : tous les grands sportifs ne sont pas forcément des modèles à suivre. Mais on ne nous le dit pas. Et c’est pour cela que le film est si réussi.
