Le ciel et la boue. Pierre-Dominique Gaisseau, France, 1959, 83 minutes.
Une expédition en Nouvelle-Guinée, dans les années 50 60. L’occasion de découvrir des espaces inexplorés jusque-là et donc de rencontrer des populations dites « primitives », qui n’ont jamais vu de blancs. Un exploit.
L’expédition est filmée comme une aventure, une aventure périlleuse, dangereuse, à l’issue incertaine. Le filmage et le commentaire renforcent cette incertitude surtout lorsque les vives viennent à manquer. Les parachutages de colis deviennent de plus en plus difficiles à exécuter, d’où un suspense finement entretenu, même si au fond de lui, chaque spectateur sait bien que l’issue sera en fin de compte heureuse.
Le commentaire tient la place principale de la bande son. De façon très classique il énonce d’abord les données géographiques nécessaires à situer l’expédition. Il fournit aussi dès le départ des données précises sur les participants à ce voyage, sa préparation matérielle et le repérage en amont de l’itinéraire envisagé. Tout au long de l’expédition ce commentaire n’hésite pas à renforcer la charge dramatique du film en particulier lors de la mort du premier porteur (2 autres membres suivront) et d’une façon générale sur les conditions de vie, de survie, de plus en plus difficiles dans la jungle avec les mouches et les sangsues omniprésentes. Des gros plans à la limite du regardable.
La bande-son offre aussi de superbes enregistrements des chants et des battements de tambour accompagnant les danses rituelles. Le tout répétitif et envoûtant comme il se doit. Les populations « primitives » sont filmées avec tous les clichés et préjugés propres à l’époque coloniale. L’expédition est néerlandaise. Ce sont, nous dit-on, des coupeurs de têtes et même pour certains des cannibales. La guerre et leurs préoccupations principales, mais le film ne nous le montre pas, ce qui introduit une interrogation récurrente sur la possibilité de la paix. Le commentaire essaie de se faire neutre sur ce sujet mais n’arrive pas vraiment à éviter d’avoir un ton quelque peu condescendant sans être pour autant méprisant.
Le filmage d’une scène mimant l’accouchement, une re-naissance, est pourtant digne des meilleurs reportages ethnologiques. La suite du film est cependant beaucoup moins intéressante d’un point de vue scientifique dans la mesure où il se focalise de plus en plus sur les difficultés matérielles de l’expédition. L’intérêt scientifique cède nettement la place à un récit d’aventure bien différent du cinéma ethnologique. Dramatisation qui explicite certainement l’Oscar décerné au film. Le documentaire ne peut-il avoir de succès, de succès public surtout, qu’à la condition de se plier aux règles de la narrativité fictionnelle ? On pense bien sûr ici au Nanouk de Flaherty.
