Filmer la psychiatrie.

Averroès et Rosa Parks. Nicolas Philibert, 2024,143 minutes.

Après Sur l’Adamant, Averroès et Rosa Parks constitue le deuxième volet de la trilogie psychiatrique de Nicolas Philibert, le dernier sera intitulé la Machine à écrire et autres sources de tracas.

Ce second film s’ouvre sur un survol en drone des bâtiments de l’hôpital où Averroès et Rosa Parks sont les noms des Deux services ou Philibert va planter sa caméra. La différence avec Sur l’Adamant est ainsi immédiatement cerné. Nous sommes toujours dans la psychiatrie parisienne, mais alors que l’Adamant était une structure de jour fréquentée par les patients qui viennent ici d’eux-mêmes et qui ne résident pas dans les locaux, dans Averroès nous sommes dans un hôpital où les patients suivent un traitement à demeure. Il s’agit d’une hospitalisation ce qui n’était pas le cas dans le film précédent.

Pourtant le lien entre les deux structures, et donc les deux films est clairement posé dès le premier entretien avec un patient dans l’hôpital. Il lui est proposé une colocation, une chambre dans un appartement qu’il partagera avec Deux autres personnes. Les soignants (les films de Philibert ne donnent que rarement les fonctions, psychiatre psychologue et cetera, de ceux qui mènent les entretiens) donc les soignants lui proposent alors de se rendre 2 ou 3 jours par semaine à l’Adamant et d’y participer aux ateliers mis en place. La continuité des deux films est une évidence.

Pourtant la différence de statut donne à chaque film sa spécificité. Alors que Sur l’Adamant présente surtout des moments de vie collective, Averroès et Rosa Parks est centré sur des entretiens de face-à-face soignant-patient. Il s’agit alors beaucoup plus que dans le film précédent de mettre en scène la pratique thérapeutique au demeurant relativement classique. Ces entretiens sont l’occasion de filmer les patients et cela construit donc une galerie de portraits riches en couleurs avec des personnalités spécifiques bien marquées.

En même temps nous pouvons apprécier la qualité de l’écoute des soignants. Une façon de mener l’entretien sans influencer son contenu mais en permettant l’expression de la façon dont le patient ressent son état de santé et son vécu. Sans être un tableau de la psychiatrie contemporaine (le cinéaste évite systématiquement toute donnée théorique) le film de Philibert ouvre la réflexion sur le vécu de ces personnes en souffrance et que la société a longtemps stigmatisées comme « fou »

On se souvient alors que Philibert a autrefois filmé la clinique de La Borde, haut lieu de la psychiatrie institutionnelle (La moindre des choses, 1997) une belle continuité.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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