Vieillesse

Les Vieux. Claus Drexel, 2023, 96 minutes.

Ils ont tous au moins 80 ans, et même jusqu’à plus de 100 ans. Une illustration concrète du vieillissement de la population française et de l’augmentation de l’espérance de vie, surtout pour les femmes.

Ils sont tous quasiment en bonne santé, du moins ils n’évoquent pas leur petite douleur ou leur grave maladie. Ils ont « toute leur tête » comme ils disent et n’ont pratiquement pas de perte de mémoire. La vieillesse que nous montre le film n’est pas une vallée de souffrance. Une vieillesse qui n’effraie pas, qui en tout cas n’est pas dramatisée.

Beaucoup parlent de la mort. Ils la savent proche. Ils l’attendent avec sérénité. Y a-t-il une autre vie après la mort ? La question ne semble pas les préoccuper. Le film ne se penche pas sur les questions métaphysiques. La spiritualité y a peu de place. Pas plus d’ailleurs que la que les questions sociales ou politiques. Le temps des croyances et des engagements semble renvoyé au passé.

Qu’ils vivent seuls ou en couple, dans un chez soi ou en ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ils n’ont plus de vie sociale. Comme s’ils étaient seuls avec leurs souvenirs. Des souvenirs, ils en ont tous à raconter. Des événements qui les ont marqués, surtout pendant la guerre. Une dame juive parle du port de l’étoile. Un ancien soldat évoque ses combats en Indochine. Une native d’Oran parle de l’Algérie. Ces souvenirs ont beau être situés historiquement, ils restent personnels et n’ont guère de portée universelle.

Le film n’a pas de prétention sociologique ou historique. Les plus âgés s’y reconnaîtront. Les plus jeunes risquent de n’y voir que de l’anecdotique. Pourtant ces mini portraits ont le mérite de nous présenter une parole que l’on n’entend pas si souvent. Une parole certes relativement banale, mais qui peut avoir par moment toute la profondeur de la vie.

Toutes ces personnes âgées sont filmées de la même façon, assise face à la caméra. Un seul se lève, semble-t-il pour se dégourdir les jambes. Le choix du cinéaste est de favoriser la multiplicité et la diversité. Du baron de la première séquence aux résidents en ehpad, on parcourt bien des classes sociales différentes mais aucune n’est désignées explicitement. Ce n’est que le décor, en arrière-plan, qui nous donne quelques indications. Les personnes interrogées n’ont pas de passé professionnel. Elles ne l’évoquent pas. Sans doute parce qu’il est devenu lointain, presque étranger. Leurs prises de parole sont brèves. Certains seulement ont droit à plusieurs passages à l’écran. Le cinéaste n’intervient pratiquement pas.  Les personnes filmées semblent parler pour elles-mêmes, enfermées dans leurs souvenirs.

Claus Drexel met beaucoup de soins dans le filmage des plans de coupe. Des vues magnifiques de la mer, des côtes escarpées, et surtout de la montagne, avec sa neige et ses nuages, ses sommets et ses ravins. Des images qui jouent la douceur et qui contribuent fortement à renforcer la tonalité lisse qui se dégage du film, malgré les quelques faits dramatiques évoqués. Il y a bien quelques couloirs vides dans les ehpad mais on y joue aussi au baby-foot.

 La vieillesse peut-elle être autre chose que l’attente de la mort ? Une attente qui est pourtant encore de la vie

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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