Les deux Marseillaises. Jean-Louis Comolli et André Sylvain Labarthe, 1968, 108 Minutes.
Les élections législatives de juin 1968 à Asnières, en banlieue parisienne. Une élection à deux tours, les 23 et 30 juin, qui signifieront la fin du mouvement, du soulèvement, de mai 68. Les ouvriers reprennent le travail, les étudiants n’occupent plus la Sorbonne ni l’Odéon et le général De Gaulle peut continuer à gouverner avec une très large majorité à l’Assemblée nationale.
À Asnières, c’est le ministre Albin Chalandon qui est largement élu, battant au second tour le communiste Claude Denis. Cette élection avait comme point particulier la présence au premier tour de l’acteur Roger Hanin, donc c’est le premier engagement politique public, représentant la FGDS, ancêtre du Parti Socialiste fondé par François Mitterrand.
Le film de Comolli et Labarthe peut être considéré comme un prototype du film d’élection. Genre qui a connu dans l’histoire du cinéma politique, de très belles réussites. On se souvient bien sûr d’un des premiers, l’Américain Primary, signé par Robert Drew, mais où officiaient les plus célèbres Richard Leacock, Donn Alan Pennebacker et Albert Maysles, tout engagés dans le mouvement dit du Cinéma Direct en Amérique. En France, on peut citer La cause et l’usage de Dorine Brun et Julien Meunier (2012), où Serge Dassault, ayant été invalidé à Corbeil-Essonnes, ne peut se représenter. Mais c’est bien lui, omniprésent dans le film, qui tire les ficelles en coulisse. On peut citer également Paris à tout prix, de Yves Jeuland où s’affrontent tous ceux qui, à droite, rêvent de succéder à Tiberi et à Chirac, à la tête de la municipalité parisienne.
Le film de Comolli et Labarthe se distinguent d’abord par son souci d’exhaustivité et donc sa longueur. Sous forme d’un journal au jour le jour, les deux cinéastes suivent les candidats. Les trois principaux du premier tour plus particulièrement. Ils filment leurs actions publiques, leur présence sur le terrain, les militants, les réunions, les meetings pour Chalandon et Hanin, alors que le communiste est lui filmé dans ses rencontres avec les ouvriers à la porte des usines.
Pas d’interview individuelle, mais de larges extraits des discours publics. De quoi cerner précisément les positions de chacun et les enjeux du scrutin. En dehors de ces discours, l’ambiance de la campagne est montrée les soirs de résultats dont la proclamation, sans effet de surprise aujourd’hui, déclenche l’enthousiasme du côté gaulliste.
Le film s’ouvre, et se ferme, sur les discours de De Gaulle. Celui annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale. Et celui, la veille du vote pour le second tour. On ne voit pas le général. Mais la parole, sa parole, sert de référence politique à tout le film, qui devient ainsi un épisode fondamental de l’histoire de De Gaulle et du gaullisme en France.
Et tout le monde, de droite ou de gauche, chante la Marseillaise.
