Des hommes désintéressés. François Robic, 2024, 70 minutes.
Un fait divers, banal, tragique. Une disparition, celle d’une jeune femme, Julie. On retrouve sa voiture en Ariège sur un parking de montagne, point de départ des randonnées locales. Puis plus rien, aucune piste, aucun indice. L’enquête officielle s’arrête au bout de cinq ans. Mais peut-on en rester là ?
Les faits divers sont le pain béni d’une certaine presse people et de chaînes de télévision multipliant avec succès les émissions enquête faites de reportages faciles. La télé, oui, mais le cinéma ? François Robic relève le défi. La disparition de Julie sur laquelle il va se concentrer, peut être l’objet d’un film de création, développant le point de vue d’un auteur sur le fait divers en général et l’exploitation médiatique dont il est l’objet.
Mais en même temps il n’oublie pas la disparue et sa famille, sa mère et sa sœur tout particulièrement. Il va alors proposer une véritable immersion dans cette famille, façon d’appréhender la douleur de l’absence et les effets du temps qui passe. Est-il possible d’oublier ?
Mais l’originalité de ce cas de disparition inexplicable c’est qu’après l’enquête officielle infructueuse, un certain nombre de personnes n’abdiquent pas dans l’idée que des recherches peuvent enfin aboutir et finir par éclairer le mystère. Parmi elles, des bénévoles autoproclamés enquêteurs, des personnes inconnues de la famille pour la plupart et qui vont se lancer dans cette aventure un peu folle, absurde, la recherche de la signification de cette histoire, et consacrer du temsps et de l’argent pour des résultats bien incertains. Une véritable passion voire une obsession, réussir là où tous ont échoués jusqu’alors. Des « hommes désintéressés » donc au sens où tout ce qui touche le malheur des autres ne peut leur être étranger.
Le film de François Robic est donc fait de rencontres avec ses enquêteurs amateurs mais aussi avec la famille de la disparue dont il suit la vie redevenue presque normale. C’est ce » presque » qui l’intéresse. Une vie avec ce vide, cette absence, dont on essaie de ne plus parler ouvertement, mais où le cinéma, le film de François, va prendre une place de plus en plus grande. En regardant « Les hommes désintéressés » on pense au film de Luc Moullet La terre de la folie (2009), cette enquête sur ce triangle géographique dans les Alpes du Sud où la folie frappe sans distinction de sexe et d’âge. Bien sûr, l’humour de Moullet est inimitable, mais François Robic s’en rapproche par moment, souvent là où on ne l’attendait pas.
Un film prometteur.
Un jeune cinéaste dont, de toute évidence, on reparlera.
FIFIB Festival International du Film Indépendant de Bordeaux 2024.
