Bande dessinée pariétale

Rupestres. Marc Azéma. 2024, 90 minutes.

Étienne Davodeau, Emmanuel Guibert, Pascal Rabaté, Chloé Cruchaudet, Troubs, David Prudhomme, Edmond Baudoin, sept dessinateurs de bande dessinée, parmi les plus connus en France, ont accepté de se livrer à une expérience hors du commun. Dans le Lot, à deux pas de la célèbre grotte de Pech Merle, ils vont s’enfermer tous les jours. Pendant dix jours, dans une ancienne champignonnière qui ressemble à une grotte de la préhistoire et peindre à même la paroi rocheuse avec des pigments naturels. Et des pinceaux actuels. Non pas pour imiter les artistes qu’il y a 20 ou 30 000 ans, mais pour, en quelque sorte, renouveler un geste artistique. Même si, bien sûr, il n’est pas question d’essayer d’en retrouver la signification à jamais perdu. Des murs de grottes, un support inconnu, tout à fait étranger à la feuille de papier habituel. Et la lumière des lampes frontales ou même des bougies, est tout aussi nouvelle que l’habituel soleil des ateliers.

Le film, qu’en tire Marc Azéma – cinéaste et préhistorien – est un compte-rendu de cette expérience. Une expérience suivie pas à pas, jour après jour. Un suivi participatif, même si le cinéaste ne tient pas de pinceau. Mais le recueil du ressenti de ce vécu exceptionnel des dessinateurs est essentiel à leur travail. Et à leur création. Car il s’agit bien de faire une œuvre originale, une œuvre collective, mais où chacun apporte sa touche personnelle. Une œuvre qui a proprement parlé n’est pas une bande dessinée. Pas de case, pas de bulle. Pas de récit. Mais qu’importe, le résultat final est tout aussi énigmatique que les mammouths et les chevaux que l’on retrouve sur les parois des grottes, à Lascaux par exemple.

Le film Rupestres est tout autant un film sur la préhistoire que sur la bande dessinée et nous plonge au cœur d’un acte de création contemporain mais qui, par le contexte dans lequel il se situe, résonne fortement avec l’art pariétal, c’est-à-dire avec l’origine de l’art et donc avec le sens de la création artistique. Pourquoi les hommes de la préhistoire peignaient ils sur les murs des grottes ? Le refaire aujourd’hui ne résout pas l’énigme ? Mais l’expérience vécue par ces artistes d’aujourd’hui nous convient à réfléchir sur la portée contemporaine de la bande dessinée et du cinéma deux arts qui renouvellent à notre époque le sens de la création artistique.

Avatar de jean pierre Carrier

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

Laisser un commentaire