1. L’origine du film
Hommage à la Catalogne est un témoignage majeur sur la révolution et la guerre d’Espagne. C’est aussi un livre hanté par des images, des « visions, écrit Orwell, que les mots sont impuissants à rendre ». Ces images, je les ai retrouvées dans les archives, et tout particulièrement dans les nombreux reportages des opérateurs anarcho-syndicalistes de la CNT à Barcelone et sur le front d’Aragon, qui étaient diffusés dans les salles de cinéma en première partie de programme.
Ces images fournissent un théâtre assez précis du récit d’Orwell, qu’il s’agisse de sa découverte enthousiaste de la révolution libertaire à Barcelone en décembre 1936 ou de son engagement dans les milices ouvrières sur le front d’Aragon, au printemps 1937. Elles fabriquent de l’espace, mais aussi du temps. Le texte d’Orwell est au passé (le livre a été écrit dans les mois qui ont suivi le retour d’Orwell en Angleterre), mais les images restent au présent, ne serait-ce que parce que les personnes filmées ne connaissent pas la suite. On pourrait même dire qu’elles sont aussi au futur, tant s’y dessine cet « autre futur » que les révolutionnaires espagnols voulaient construire. Dès lors, il m’est apparu qu’on pouvait nouer le récit et les images au montage pour faire revivre aujourd’hui l’expérience d’Orwell sous une forme nouvelle, comme expérience de cinéma.
2. Comment a-t-il été produit ?
J’ai été accompagné dès l’écriture par Richard Copans aux Films d’Ici. Le projet a été lauréat de Brouillon d’un rêve (Scam) puis du Prix du projet de documentaire historique des Rendez-vous de l’Histoire à Blois. Le film est coproduit par la chaîne Histoire TV. Les archives de la CNT ont été apportées en coproduction. Un complément a été réuni par un financement participatif qui a permis de faire le montage son et le mixage dans de bonnes conditions.
3. Quelle place donnez-vous à la musique dans le film?
La musique est née d’une proposition faite par l’ami Jean Rochard, du label nato, qui a réuni quatre musiciens (le pianiste Tony Hymas, la clarinettiste Catherine Delaunay, le guitariste Bruno Ducret et le contrebassiste Guillaume Séguron) et leur a proposé d’écrire chacun trois ou quatre morceaux, qui ont été enregistrés juste avant le montage. Avec Aurélie Ricard, la monteuse du film, nous avons utilisé la musique comme une couche narrative à part entière, plus contemporaine, qui dialogue sans cesse dans le film avec le texte dit par Bruno Podalydès, les images et les sons documentaires prélevés dans les archives filmées.
4 Quelle est sa carrière en festival et en Avant-Première?
Le film a été sélectionné en Séance spéciale au Cinéma du Réel 2025. Bien qu’il soit coproduit avec la télévision, nous recevons de nombreuses demandes de projection en salles et nous nous efforçons d’y répondre, afin de montrer le film dans les meilleures conditions techniques et aussi de permettre les débats avec le public. Les salles sont toujours pleines et ces projections devraient se multiplier en 2026, quatre-vingt-dixième anniversaire de la guerre d’Espagne. Dans un contexte où le fascisme et la guerre sont à nouveau à nos portes, les fantômes de 1936 n’ont pas fini de nous regarder.
