Pourquoi Chantal Akerman ?
C’est vraiment la cinéaste qui a eu le plus d’influence sur moi. J’ai vu Jeanne Dielman J’avais 14, 15 ans, comme je le raconte dans le film et ça m’a beaucoup marqué. Voilà, si j’ai fait du cinéma, c’est en partie à cause de ça. Donc il y avait cette espèce de dette que j’avais. Et puis un autre point de départ, c’est que, comme vous le savez, Jeanne Dielman a été nommé meilleur film de l’histoire du cinéma, récemment. Et il y a eu aussi toute une série d’expositions et de choses sur elles, de rétrospectives. Moi j’avais déjà un projet autour d’elle depuis longtemps, mais à chaque fois on me disait, Ah non, c’est pas le moment, et cetera. Et puis là, tout s’est débloqué. Après les ennuis commencent. Il a fallu que je trouve une forme, et cetera. Mais au niveau de l’opportunité, voilà, ça c’est fait comme ça.
Comment avez-vous produit le film ?
La production s’est faite d’abord avec mon producteur habituel, la 8 production. Et Ciné plus, du bouquet Canal Plus Festival en fait qui a fait un pré-achat. Et nous, on était absolument persuadé qu’on aurait une aide de Belgique. Puisque le film était tourné à Bruxelles. Et en fait, on ne l’a pas vu. Mais du coup, on a eu quand même une aide de la région Aquitaine, ce qui n’a rien à voir mais qui nous a permis de faire le film quand même. Et j’ai quand même travaillé avec les techniciens belges qui ont bien voulu rester sur le coup malgré qu’il n’y ait pas de production belge. Donc on l’a fait bon an mal an mais ça a été assez compliqué au niveau production. Et surtout assez. Et en plus le chef opérateur, entre les 2 tournages, parce que le tournage tournait beaucoup autour de rendez-vous, donc on avait fait 2 tournages à Bruxelles. Mais entre les 2 le chef opérateur s’est cassé la jambe. Donc il a fallu encore tout reporter d’un mois. Beaucoup de rendez-vous ont sauté donc ça a été assez compliqué mais on y est arrivé. Et puis après on a fait l’étalonnage d’abord, ce qui est rare parce que normalement on termine par l’étalonnage. Canal Plus en plein été, Canal Plus est maintenant dans l’empire Boloré. Donc c’est assez étrange comme ambiance. Oui avec la clim à moins 10. Et puis ensuite on a fait le mixage en région Aquitaine. Voilà, par contre, c’est très sympathique, dans un tout petit village. Je ne connaissais pas le mixeur mais il était tout à fait professionnel. Et là on vient de faire l’avant-première au Méliès de Montreuil et il est déjà diffusé à la télévision sur Ciné plus festival.
Vous avez donc déjà des retours du public. Comment le film est-il reçu ?
Oui, il y a un bon papier dans Télérama, ce qui est assez rare pour les petits câbles. Après j’espère qu’il y aura d’autres festivals. Parce que le festival du réel, cette année ça va être un petit peu compliqué du fait de la fermeture de Beaubourg. Je mise plutôt sur le festival de Nyon, en Suisse, puis peut être à Lussas aux États généraux du documentaire.
Comment avez-vous eu l’idée de faire cette série, les Exercices d’Admiration, qui est quand même originale ?
C’est un peu le hasard qui avait fait ça. Mais c’est une expression que j’avais trouvée, chez Liotard, Jean-François Lyotard, le philosophe, qui a écrit un livre sur la postmodernité. Et justement, on s’apercevra que c’est ça la condition postmoderne, c’est qu’en fait on n’invente rien, on est toujours en train de réagencer des choses qui nous ont fabriqués, influencés. Donc l’innovation pure, elle est un peu terminée avec l’écran blanc, l’écran noir, et puis la projection sur des spectateurs, donc les gestes radicaux. Donc finalement, on n’est plus en train de faire des cocktails et. Et moi j’ai choisi de l’aborder frontalement en disant, mais moi, qu’est-ce qui m’a fabriqué et c’est souvent le hasard qui fait des choses. Par exemple, ma rencontre avec Françoise Lebrun a créé ce EA2, où je reprends le monologue de la Maman et la Putain sous sa direction. Voilà, c’est un peu l’occasion qui fait le larron. Ensuite, j’ai été appelé à fréquenter un peu Alain Cavalier. On a eu cette idée d’archive. Comme ça, voilà. Et puis le voyage en Italie, c’est effectivement un souvenir presque d’enfance, comme la Voix humaine de Cocteau d’ailleurs. Ce sont des choses qui ne sont pas forcément les films que je citerai dans mes films fondateurs de cinéphile, mais qui en revanche correspondent à un moment de ma vie. Je crois que j’avais vu à la télévision La Voix humaine, au théâtre ce soir. Et j’ai eu l’idée de le reprendre pour cet EA3 en inversant un peu les choses. Et puis le Voyage en Italie, c’était plutôt un souvenir de mes parents seulement, qui se disputaient un petit peu. J’ai du voir le film à ce moment-là, et ça m’avait fait tisser des ponts aussi avec Naples, l’Antiquité, donc voilà tout. Et puis la possibilité de parler avec Isabella Rossellini aussi. Donc voilà, c’est toujours un faisceau de choses. Et là Chantal Akerman c’était en l’occurrence cette avalanche de rétrospectives qui m’a paru un peu mortifère, un peu lourde. Je me suis dit, c’est peut-être le moment que je fasse une proposition plus personnelle, plus tendre.
Est-ce que vous avez d’autres projets d’Exercice d’Admiration ?
Pour l’instant, il y en a un auquel je pense depuis longtemps, qui est plus lié à Marguerite Duras d’ailleurs, surtout à sa puissance de visionnaire parfois, qu’elle peut avoir dans certains, dans certaines phrases, certains films. Et elle avait fait justement un texte qui est devenu une pièce qui s’appelait le Navire Night, où elle imagine ce qui va devenir internet. Sauf qu’à l’époque, on appelait ça le réseau, c’étaient des lignes téléphoniques inoccupées. Mais elle l’imagine comme ça, ces voix délirantes qui flottent dans l’espace. Et je trouve que c’était assez beau de lui rendre hommage en réactualisant peut-être le. Et on me l’appropriant. Donc voilà, il y a un EA7 autour de Duras et du Navire Night qui est un peu dans les tuyaux. Mais bon beaucoup de mes films sont des exercices d’admiration, mais c’est assez rare que ce soit frontalement dit. Mais Le Caravage, Schubert, on peut dire aussi que ce sont des genres d’admiration et la poésie américaine aussi, mais cont des corpus plus larges. L’exercice d’admiration, c’est souvent lié à un souvenir, à une en particulier.
Et en dehors alors des exercices d’admiration, vous êtes en train de travailler sur quoi d’autre ?
Eh Ben là justement, j’ai 2 projets en âge de mon petit s’est présenté un petit peu par hasard parce que j’ai été invité à Athènes à montrer des films. Mais pas du tout dans un contexte de cinéma, dans un contexte de Black bloc qui ne projetait les films que dans des squats. C’était très très bien, avec énormément de monde et j’ai un ami qui a filmé tout ça. Donc voilà, je alors je me disais que c’était peut-être bien de rassembler les images, d’écrire un peu et d’essayer d’en faire au moins un court-métrage. Donc là, c’est ce que j’essaye de mettre noir sur blanc maintenant, c’est à dire qu’on on fait le film d’abord et on trouve l’argent après. Et puis sinon, j’ai un projet en Angleterre, de revenir dans la petite ville où j’ai fait ma cure de désintoxication, maintenant il y a 35 ans, qui est une petite plage et il se trouve que j’ai rencontré un ami anglais qui est originaire de Bristol et Bristol est à 10 km de cette petite plage. Donc voilà, les choses aussi se présentent. Et puis J’ai des souvenirs aussi autour d’un livre sur Turner qui était sur la table ce centre. Donc voilà, tout se mélange un petit peu, les aquarelles de Turner, cette petite plage en Angleterre, les souvenirs de la Détox. Et par contre là, ça serait vraiment un film très formaté. J’ai vraiment envie de faire une recherche autour de la musique, du traitement de la voix. Le tourner en pellicule mais en jouant sur l’effacement, comme la mémoire quoi. Le premier ce serait Detox. l’autre j’ai pas encore donné de nom mais pour l’instant il s’appelle Athènes is not a new Berlin. Tout le monde dit Athènes c’est le nouveau Berlin. Et ben je pense que mes petits Black blocs ne sont pas d’accord.
Propos recueillis au téléphone le 15 décembre 2025.
