Comment avez-vous eu l’idée du film ?
L’idée de Tombeau de glace est née d’une rencontre progressive avec des images et des archives. En 2006, alors que je travaillais sur les Archives de la planète d’Albert Kahn, je découvre des images du Pôle Nord tournées par le commandant Charcot. Une archiviste me parle alors d’un corpus photographique exceptionnel retrouvé vers 1930 : celui de l’expédition polaire d’Andrée. Pendant longtemps, cette histoire reste en suspens. À partir de 2017, en travaillant sur Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang, je comprends qu’un film peut naître d’une seule photographie, de ce qu’elle contient encore de vivant. Je reviens alors aux images de Nils Strindberg, à ses carnets, aux journaux de l’époque. La lecture du livre de Béa Uusma, puis celle d’Un monde sans rivage d’Hélène Gaudy, achèvent de donner forme au projet. Il aura fallu près de quinze ans pour que cette idée s’impose : faire un film à partir de ce qu’il reste de trois hommes disparus dans la glace, et interroger ce que ces images enfouies nous disent encore aujourd’hui — de l’aventure humaine, de la disparition, et de notre rapport au monde.
Comment le film a-t-il été produit ?
Tombeau de glace est un long-métrage documentaire produit par Seppia, avec un important travail de développement, notamment autour des archives et de l’écriture. Le projet a été sélectionné au Forum de l’IDFA en 2022, puis à North Pitch à Tromsø en 2023, ce qui a permis de consolider sa dimension internationale et de rencontrer des partenaires diffuseurs et coproducteurs. Le film est une coproduction internationale réunissant ARTE France, la SVT (Suède), la RTS (Suisse), Histoire TV, Dixit International (co-producteur suédois) et Relation04 Media (co-producteur norvégien). La distribution internationale est assurée par Lightdox. Cette production s’est construite sur le temps long, en dialogue constant entre écriture, recherche archivistique et repérages contemporains en Scandinavie, afin de faire dialoguer les images du passé avec les paysages d’aujourd’hui.
Les archives ont-elles été faciles à trouver et comment s’est effectué le choix ?
Les archives étaient à la fois identifiées et profondément enfouies — matériellement et symboliquement. Leur accès a nécessité un travail de recherche long, rigoureux et collectif. Trois documentalistes ont ainsi participé activement à la recherche d’archives en Suède, en Norvège et en France, en lien étroit avec les institutions, musées, bibliothèques et centres d’archives concernés. Les photographies de Nils Strindberg, bien que célèbres, ont longtemps été vues à travers des copies retouchées et décontextualisées. Les négatifs originaux, eux, n’ont été retrouvés qu’à la fin des années 1990 et numérisés au début des années 2000. Le travail mené avec les documentalistes a permis de revenir aux sources : journaux de bord, carnets, lettres, rapports d’autopsie, photographies originales, mais aussi presse de l’époque et récits de la découverte des corps en 1930. Le choix des archives ne s’est jamais fait sur un critère illustratif ou spectaculaire, mais sur leur capacité de résistance : quelles images tiennent encore face au temps ? Que disent-elles lorsqu’on accepte leur silence, leurs accidents, leurs manques ? Le film cherche ainsi à réactiver ces archives comme un gisement sensible et poétique, et non comme un simple matériau historique.
Quelle est la carrière du film en festival ?
Avant même sa finalisation, Tombeau de glace a bénéficié d’une forte reconnaissance professionnelle, avec sa sélection au Forum de l’IDFA (2022) et à North Pitch à Tromsø (2023). Le film connaît ensuite une belle carrière internationale en festivals. Il est notamment sélectionné en compétition internationale à DOK.fest Munich 2025, et présenté dans des festivals en lien avec les enjeux artistiques, scientifiques et historiques du film, tels que Mirage – Art of the Real (Oslo), Polargadar (Gränna), le Science and Technology Film Festival de Cracovie, le Black Forest Film Festival de Fribourg (Allemagne) ou encore le Festival international du film d’histoire de Pessac. Cette circulation en festivals reflète la nature même du film : à la croisée du cinéma documentaire, de la réflexion sur les archives et d’une méditation contemporaine sur les paysages en disparition.
