Auto-école

La Bonne conduite. Jean-Stéphane Bron, Suisse, 1999, 54 minutes.

         Le film de Jean-Stéphane Bron présente cinq situations d’apprentis conducteurs, trois hommes et deux femmes. Parmi les moniteurs il n’y a qu’une femme sur les cinq. La particularité de ces binômes, c’est qu’ils contiennent tous une personne d’origine étrangère. Parmi les élèves, les pays d’origine sont des plus variés, l’Inde, le Maroc, le Brésil et le Portugal pour une des femmes. La deuxième femme est, elle, d’origine Suisse, mais c’est son moniteur qui lui est d’origine asiatique. Les situations bien particulières pour tous, mais le problème de l’intégration n’est directement abordé que pour le jeune Indien, du fait de sa couleur de peau. De toute façon, il est de nationalité suisse, se sent vraiment suisse et n’a aucune velléité de retrouver ses origines. En fait la position sociale de tous est plutôt banale, et s’il y a une situation dramatique, c’est celle de la portugaise, du fait du décès récent de son fils.

La Bonne conduite porte un regard souvent attendri sur ces cinq couples bien différents. Car passer tout ce temps ensemble dans une voiture ça crée des liens. Le plus souvent d’ailleurs, ils ne parlent pas conduite, mais de certains aspects de leur vie, surtout s’ils ont des points communs, comme le foot pour le brésiliens et son moniteur. Bron les filme en outre séparément, hors de la voiture, où chacun évoque ce qu’il connait de l’autre, ou ce qu’il en a découvert. Pendant les séances de conduite, le filmage est toujours individualisé. Il n’y a jamais de plans cadrant ensemble celui qui conduit et celui qui est à la place du passager. Les commentaires croisés ont alors la forme d’une voix off, véritable voix intérieure mais qui ne se livre pas à une véritable introspection. Le passage par l’auto-école est certes un moment important de la vie de chacun, mais ce n’est au fond qu’une sorte de parenthèse, vite refermée, et qui ne représente pas un enjeu déterminant pour l’avenir.

         Tout un film dans une voiture. Plusieurs voitures en fait. Et pas n’importent lesquelles puisqu’il s’agit d’auto-école. Pas question donc d’entrer dans des considérations concernant les pratiques des conducteurs, leurs manies, les folies, la séduction de la vitesse et autres mythologies modernes. Avant de devenir une marque de puissance et un outil de séduction, l’automobile est un objet d’apprentissage, parfois difficile et douloureux, même s’il n’est jamais ou presque un obstacle infranchissable. Le film de toute façon ne traite pas non plus directement de cet apprentissage. S’il y est question de l’examen final, c’est uniquement sous son aspect affectif, le stress qu’il crée et la joie de la réussite. Le permis de conduite, une étape dans la vie de l’homme moderne, une sorte de rite de passage mais tellement courant qu’il est devenu parfaitement banalisé. Sauf peut-être pour quelques personnes qui, pour des raisons personnelles, le vivent comme une difficulté demandant d’importants efforts pour la surmonter.

Le film peut évoquer des souvenirs personnels chez tous les conducteurs. Il peut constituer une anticipation pour les plus jeunes, qui devront eux aussi passer par l’auto-école. Les tranches de vie qu’il présente ont ainsi à la fois une dimension universelle et entièrement personnelle, la saveur douce de la superficialité.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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