Portrait de cinéaste – Rouquier George.

Cinéaste français (1909 – 1989)

Georges Rouquier restera dans l’histoire du cinéma français comme le chantre de la vie paysanne, celui qui a su le mieux magnifier la beauté de la nature dont il a fait éclater la poésie à chaque plan et montrer la grandeur de ceux qui vivent en harmonie avec elle, sans ignorer les difficultés de leur labeur. Contrairement aux cinéastes qui peuvent être considérés comme ses successeurs dans cette voie, Mario Ruspoli ou Raymond Depardon, il ne cherche pas à constituer une mémoire d’un mode de vie appelé à disparaître. Son chef-d’œuvre, Farrebique (1946), n’est pas le chant du cygne des paysans. Il est, et restera, un hymne grandiose élevé à la nature et à ceux qui savent la respecter.

Farrebique est tourné juste après la deuxième guerre mondiale, en Aveyron, dans une ferme que Rouquier connaît bien pour y avoir passé quelques années de son enfance après la mort de son père. Il suit pendant les quatre saisons d’une année la vie d’une famille, qui est sa famille, montrant leurs joies et leurs deuils, leurs travaux et leurs interrogations sur le sens de leur vie. Le tournage dure une année, le montage neuf mois. C’est dire la précision du travail de Rouquier.

Le film rencontrera un grand succès public malgré, ou peut-être grâce, à la polémique qui suivit sa sortie et sa non sélection au premier festival de Cannes, alors qu’il avait dans un premier temps été pressenti pour faire partie de la sélection. Il obtiendra  quand même un prix, celui de la Critique Internationale, spécialement créé pour lui. Après la sortie du film à Paris, où il tiendra trois mois à l’affiche, d’autres récompenses lui seront décernées : le Grand Prix du Cinéma français, la Médaille d’Or à Venise et le Grand Epi d’Or à Rome. Farrebique sera aussi diffusé aux Etats Unis où son audience sera importante, devenant une référence du cinéma documentaire à l’égal du Nanouk de Flaherty.

Avant Farrebique, Rouquier n’a tourné que des courts métrages. Son premier film, Vendanges, date de 1923 ; un film d’amateur qui sera perdu ou peut-être détruit par Rouquier lui-même. Suivront Le Tonnelier en 1942, sa première œuvre donc qui obtient le Grand Prix au congrès du film documentaire à Paris, puis  Le Charron en 1943. Ces titres disent tout du projet de leur auteur : filmer cet artisanat qui, à l’époque, n’était en rien des « petits métiers », mais constituait la vie même des villages ruraux. Dans la même année 43, il réalise L’Economie des métaux et La part de l’enfant, des films de commande. Dans sa filmographie ultérieure on retrouvera ces rencontres avec des artisans filmés au cœur de leur activité, Le Chaudronnier en 1949 ou Le Maréchal-ferrant en 1976.

Après Farrebique, Rouquier tournera en 1948 L’Œuvre scientifique de Pasteur en collaboration avec Jean Painlevé. Puis divers films de commande dont Sel de la terre, sur la Camargue, Un jour comme les autres sur la prévention des accidents du travail ou encore Le lycée sur la colline produit par le Ministère de l’Education nationale. A chaque fois, le cinéaste doit composer avec les exigences des producteurs  pour essayer d’imprimer sa touche personnelle dans le film.

Mais son grand projet sera de donner une suite à Farrebique. Il n’y parviendra qu’en 1983, soit trente-huit ans après le premier opus. Rouquier revient dans la ferme de l’Aveyron et filme un monde radicalement différent. Le contraste entre les deux films est saisissant. La magie des images existe-t-elle encore ? Le noir et blanc a fait place à la couleur, une couleur plutôt fade et qui ne retrouve pas la luminosité éclatante du premier film. Biquefarre, qui ne sera pas non plus sélectionné à Cannes obtiendra néanmoins le Grand Prix spécial du jury au festival de Venise.

Bien qu’ayant réalisé plusieurs films de fiction, Rouquier reste un cinéaste documentariste. C’est dans le documentaire qu’il a trouvé le moyen d’exprimer au mieux son humanisme fondamental, marqué d’un lyrisme qui se traduit dans la beauté de ses images.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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