Cinéaste américain. (1924 – 2000)
Rogosin a réalisé peu de films, même s’il débordait de projets qu’il n’a pas toujours réussis à concrétiser pour des questions financières. Son influence est pourtant considérable sur le cinéma indépendant américain, en particulier John Cassavetes. Il a été l’un des premiers à abolir les barrières traditionnelles entre fiction et documentaire. Son premier film en particulier, On The Bowery, peut être considéré comme ayant ouvert une brèche dans laquelle s’engouffreront bien des cinéastes modernes.
Né sur la côte est des Etats Unis il est destiné à travailler dans les entreprises textiles de son père après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur chimiste à Yale. Mais la Seconde guerre mondiale va bousculer son destin et déterminer son engagement. Il combat dans la marine américaine contre le fascisme Après la guerre, il voyage en Europe, en Israël et en Afrique. La vision d’un monde dévasté par le conflit renforcera ses convictions et sa détermination de la dénoncer par tous les moyens et en particulier par celui du cinéma, qu’il découvre en autodidacte, s’exerçant seul au filmage avec une Bolex 16 mm. Il a présenté souvent On The Bowery comme un exercice d’entrainement et d’apprentissage du cinéma. C’est bien sûr tout autre chose.
On The Bowery est un film parfaitement aboutit, proposant une vision forte de la misère de ce quartier de New York, laissé à l’abandon, et fréquenté presque exclusivement par des clochards et des alcooliques. Il y suit un chômeur dans sa recherche d’un travail qui sera l’objet d’escroqueries de la part de ceux qui prétendent l’aider. Rogosin confie ce « rôle » à un non-professionnel, rencontré dans le quartier. Il filme alors, pratiquement selon les méthodes du cinéma direct les rues et les bars de ce bas-fond, enregistrant sur le vif de longues conversations autour de verres de vin. Le film fut un choc pour le public américain habitué à une tout autre vision de l’Amérique et de son rêve. Clairement influencé par le néo-réalisme italien, il sera le premier à recevoir le Grand Prix du documentaire au festival de Venise en 1956. Il sera aussi distingué la même année par le British Film Award et sera nommé aux Oscars. La Mostra de Venise le récompensera à nouveau par le Prix de la Critique attribué à Come back, Africa, son second film, tourné clandestinement à Johannesburg sous prétexte de faire un documentaire traditionnel sur la musique africaine. Il y dénonce avec force régime d’apartheid sud-africain.
Son action de soutien à la distribution a été fondamentale pour tout le cinéma new-yorkais réalisé en dehors des circuits traditionnel. Il crée en 1960 le Bleecker Street Cinema qui devint le plus important cinéma d’art et d’essai de New York. Il est aussi membre fondateur du New American Cinema au côté de cinéastes expérimentaux comme Jonas Mekas. Il fonde en 1965 Impact Film pour distribuer les films engagés politiquement, en particulier contre la guerre du Vietnam.
Restés longtemps ignorés du grand public, ses films ont été restaurés par la Cineteca Bologna, ce qui a permis des sorties en salle et une édition DVD chez Carlotta. Ce n’est que justice rendu à ce cinéaste qui sut faire de son engagement l’âme même du cinéma.
