Alcoolisme féminin.

Je suis allergique aux fraises. Rémy Jennequin. 2023, 52 minutes

Quel dommage. Les fraises sont un si bon fruit !

Mais le sujet du film de Rémy Jennequin ne concerne pas les fruits. Ni même les allergies. Il traite de l’alcoolisme. De l’alcoolisme féminin plus particulièrement. Un alcoolisme toujours difficile à comprendre. Et à accepter. Surtout pour les hommes.

Je suis allergique aux fraises n’est cependant pas du tout un film de jugement. Surtout pas de condamnation. Il se contente de donner à parole à des femmes qui vont raconter sans fausse pudeur, sans détour non plus, leur vie dans l’alcool, depuis l’engrenage initial jusqu’aux tentatives d’en sortir (les cures de désintoxication et les médicaments bien sûr) en passant par la chute dans ce trou noir et ses souffrances. Des paroles d’une sincérité absolue.

Rémy Jennequin trace le portrait de trois femmes qui ont sombré dans l’alcool. Des femmes « ordinaires » pourtant, des mères de famille aimant leur enfant que rien ne semblait condamner à cette déchéance. Elles semblaient aussi se réaliser dans leur travail. Et pourtant. Mais c’est une réalité bien connue. Personne n’est à l’abri d’une addiction. Même si dans leur récit de vie on peut sans doute trouver des éléments explicatifs.

La première partie du film est donc une suite d’entretien avec ces femmes qui parlent, seule face à la caméra. Des récits de vie qui ne vise pas la spontanéité, puisqu’ils sont visiblement le résultat d’un montage. Toute hésitation en a été ôtée. La fluidité du récit est donc quelque peu artificielle. Mais peu importe. Ce ,’est pas cela qui est important. Ce qui compte, c’est l’authenticité. Et là, il n’y a pas de doute à avoir. Il n’y a rien de surfait, rien de fabriqué, rien de conventionnel dans ces discours. La vie est là. Dans sa crudité. La vraie vie. Une vie de défits, de défaites, de renoncements, de rebonds aussi parfois. Une vie entièrement désespérée. Et désespérante.

La deuxième partie du film confirme ces notations. Nous suivons de larges pans de la vie de ces femmes d’une façon qui rappelle le cinéma direct. Elles participent à un atelier de peinture. C’est là qu’elles se sont connues, qu’est née une amitié qui joue un grand rôle dans leur survie, dans leur sauvetage. Mais sont-elles définitivement guéries ? Sans doute pas. Le chemin du sevrage est si long, si douloureux. Toujours menacé par la rechute. Cette partie du film est encore plus personnelle que la première. Ce que souligne ces images de bois, d’arbres, qu’accompagnent des textes poétiques récités par une voix de femme.

Une plongée sans concession dans l’addiction à l’alcool. Des portraits qui révèlent une grande maîtrise du pouvoir du cinéma. Un film indispensable.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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