De la conquête. Franssou Prenant. 2023, 74 minutes.
Un film simple dans son dispositif et son propos, un film fait tout simplement de textes et d’images.

Les textes sont des écrits d’époque – datant donc de la conquête de l’Algérie par la France coloniale. Des écrits officiels ou rédigés par des militaires ou des civils engagés dans la politique coloniale de la France. Des textes qui n’ont pas ouvertement une dimension critique, mais qui, le plus souvent involontairement, donnent des arguments aux dénonciateurs futurs du colonialisme. Des textes donc qui ne remettent pas directement en cause la conquête de l’Algérie, mais qui souvent ne peuvent pas fermer les yeux sur les actes inhumains qui y furent commis. Leurs auteurs cherchent-ils à se donner bonne conscience en révélant ce qui est considéré comme des excès – souvent présentés comme inévitables. Mais justement ce ne sont que des excès (isolés ?). La conquête elle-même n’est jamais remise en cause.

Quant aux images – du paquebot qui entre dans un port aux enfants qui jouent dans des ruelles en passant par les vues des immeubles du bord de mer d’Alger – elles ne sont pas données comme des illustrations des textes lus. Textes et images sont ici deux régimes de signification séparés. Mais des correspondances subtiles crées une unité : le film. Un film qui sans être une dénonciation ouverte, ne peut être vu aujourd’hui que comme une pièce à charge contre le colonialisme français.

Les films ouvertement anticolonialistes ne sont pas si nombreux dans le cinéma français, malgré l’existence de ces deux phares inoubliables que sont Afrique 50 de René Vautier et Les statues meurent aussi d’Alain Resnais et Chris Marker. Franssou Prenant adopte une tout autre stratégie que ses illustres prédécesseurs. Dans son film, pas d’attaques frontales, pas de critiques explicites. Mais la dénonciation est tout aussi efficace. Et le film de Franssou Prenant est malgré tout un acte de courage, dans un contexte historique où toutes les passions sont loin d’être éteintes.

