Le monde est à eux. Jérémie Fontanieu, 2023, 73 minutes.
100% de réussite au bac dans une classe de terminale, est-ce possible ? Oui, c’est possible répond le professeur principal de la classe que nous allons suivre, un prof qui pour les besoins de la cause se transforme en cinéaste. Et il ajoute ce n’est pas une exception. Les 2 dernières années scolaires, déjà, c’était le cas.
Mais, 100% de réussite au bac comment est-ce possible ? Et le film de répondre, c’est grâce à une méthode, une nouvelle méthode, la méthode de la « réconciliation »
Réconcilier qui avec qui ou avec quoi ?
D’abord réconcilier les élèves, tous les élèves avec l’école, avec les études, avec le travail avec les efforts. Les réconcilier aussi avec les profs, ce qui ne veut pas dire qu’ils deviendront copain. L’élève reste en apprenant et le prof un enseignant. Mais il faut que l’élève se rende bien compte que le prof est là pour qu’il réussisse. Et qu’il fera tout pour qu’il réussisse, pour que tous les élèves réussissent.
En second lieu, réconcilier les parents avec l’école. Ils doivent comprendre, il faut leur faire comprendre concrètement, que le lycée est le lieu de la réussite qui ouvrira, avec le bac, les portes de l’avenir à leur enfant, un avenir que les élèves pourront prendre en main. Réconcilier donc tous les parents de la classe avec leur lycée, le percevoir comme le lieu de la réussite et non pas comme celui de l’échec, parce que la banlieue, nous sommes à Drancy, serait condamnée à l’échec, la réussite n’étant qu’une exception.
Troisièmement réconcilier tes profs avec l’école avec le lycée et avec les élèves, ne plus percevoir le lycée comme le lieu du travail aliéné qui n’aboutit pas à grand-chose, parce que l’échec serait plus présent que la réussite. Percevoir tous les élèves comme des adolescents (mais à l’école primaire ce sera aussi vrai pour les enfants) des ados qui veulent réussir, qui ont envie de réussir et qui feront tout pour réussir si on leur montre que c’est possible, que c’est possible pour tous et pas seulement pour une élite favorisée.
La méthode mise en place par les deux professeurs, respectivement professeur d’économie et professeur de mathématiques, dans la Terminale ES 3 repose sur deux piliers.
Du côté des élèves, il s’agit d’un véritable changement d’attitude par rapport aux études à partir du moment où l’on a compris qu’on n’a jamais rien sans rien et que le travail et les efforts finissent toujours par payer. Alors en classe, les élèves ne bavarderont plus, ils ne rêvasseront plus. Ils se concentreront sur le court Fini l’absentéisme et le dilettantisme. Ils iront au lycée pour travailler.
Ensuite la méthode est basée sur la coopération avec les familles. Les parents doivent être partie prenante de la scolarisation de leurs enfants. Ils doivent se rendre compte que rien de positif ne se fera sans eux.
Le film de Jeremy Fontanieu est un film militant. I il vise ouvertement à faire connaître la méthode, cette méthode nouvelle, à la populariser et à gagner de nouveaux adeptes dans le rang des enseignants. Pour cela il va suivre pas-à-pas l’année scolaire de la classe choisie, la Terminale ES3, annonçant dès le début que l’objectif et de 100% de réussite au bac, créant ainsi une dramaturgie. C’est du cinéma, mais visiblement ça fonctionne aussi au lycée dans la classe avec les élèves. Il y a donc pas mal de suspense dans le film. N’y aurait-il pas, par malchance, un élève, un seul, qui flanchera, qui finira par se décourager, par renoncer, par ne pas fournir le petit supplément de travail qui lui permettrait de franchir la barre ? Là-dessus Jérémy Fontanieu et catégorique : 100% c’est possible, donc ce sera 100%.
Le film débute par le début, la première réunion avec les parents pour les sensibiliser à leur rôle dans l’affaire et à les motiver. Oui chaque année il y a des élèves qui entament leur terminale avec des retards, des moyennes très basses en maths, par exemple 4 ou même 2 sur 20 mais qui ont eu 13 ou 14 au bac dans la même matière. C’était le cas l’année précédente, ce sera aussi le cas cette année.
En ce qui concerne la relation avec les parents, l’originalité de la méthode est de garder systématiquement le lien avec eux tout au long de l’année. Si traditionnellement, les profs ne font appel aux parents que lorsque il y a un problème, pour se plaindre, ou dénoncer absentéisme, pour leur manque de travail, ici les enseignants vont communiquer toutes les semaines avec les familles par l’intermédiaire de textos, en insistant surtout sur les progrès réalisés, même si en début d’année ces progrès ne sont pas toujours visibles. Tout au long du film on verra les effets de cette communication. Les parents répondent aux textos des profs. Une compréhension réciproque se crée.
Autre passage obligé d’un film sur l’école, les cours. Ici nous assistons surtout au cours de sciences économiques la matière de Jérémy, qui occupe la première place dans son film. N’est-il pas le créateur de la méthode ? Le choix du cours sur Bourdieu et la théorie de la reproduction n’est sans doute pas dû au hasard. 100% de réussite au bac à Drancy n’est-ce pas un contre-exemple du handicap social de la banlieue ?
Le film s’intéresse aussi beaucoup aux élèves. Seul face à la caméra ou par 2 ou 3 ils racontent leur vécu de cette année scolaire pas comme les autres. Ils apparaissent avec beaucoup de naturel et de sincérité, ne cachant pas leurs défauts et leurs petits travers. Mais tous affirment s’investir à fond dans leurs études, ce qui change tout. Leurs interrogations et leurs doutes concernent l’avenir, mais ils se sentent de plus en plus armés pour faire face. Bref ils sont montrés de façon positive et sont pour cela très attachants.
La méthode sera-t-elle un jour généralisée dans le système scolaire français. Difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c’est que le film suscitera certainement beaucoup d’interrogations chez les enseignants.
