Les sentinelles de l’oubli. Jérôme Prieur, 2023, 84 minutes.
Les monuments aux morts, en souvenir, l’honneur des poilus de la Grande Guerre qui n’en sont pas revenus, on en voit dans tous les villages de France et même dans les villes, souvent à la place la plus visible, près de l’église ou de la mairie, là où il est facile d’aller déposer quelques fleurs 2 ou 3 fois par an.
Ils portent, gravés dans la pierre les noms de ces disparus de 1914 à 1918 auxquels, souvent, on a ajouté ceux de 39-45 de l’Indochine et de l’Algérie.
Ils sont le plus souvent érigés en pierre, en granit, mais les statuts peuvent aussi avoir été coulées dans le bronze. Les plus courants représentent des soldats triomphants, partant à l’assaut, baïonnette au canon. Mais on trouve aussi des soldats morts, reposant sur le sol, dans la boue, le visage déformé par l’agonie.
Triomphants ou morts, ils ont un point commun, la capote de gros drap qui leur sert d’uniforme. Si l’on a pu avoir recours à la couleur c’est bien sûr le bleu qui a toujours été choisi.
Comment procéder pour faire un film sur les monuments aux morts ?
D’abord constituer une galerie d’images, dans laquelle il faudra trier. Le film n’a pas la prétention de constituer une anthologie visant à l’exhaustivité. Les monuments en sont bien trop nombreux en France, et puis beaucoup se ressemblent ou sont plutôt anodins. Bref il faut avoir une idée en tête pour les filmer aux 4 coins de la France.
e filmage sera alors assez identique d’un monument à l’autre¨. Un petit mouvement de caméra souvent, pour donner un certain dynamisme, un peu de vie ; surtout lorsque les statuts racontent visiblement une histoire, un fragment de guerre, mais disant aussi l’essence même de la guerre, celle faite par les soldats.
Puis pour compléter la première moisson d’images de terrain Jérôme Prieur utilise des cartes postales, anciennes le plus souvent, ce qui a l’intérêt de nous montrer comment les monuments étaient photographiés dans les années 1950 – 1960, un cadrage simple, toujours frontal, mais restituant le monument dans son environnement.
Mais le plus important, ce qui justifie les images de monuments aux morts et donc le film de Prieur, c’est l’évocation de la guerre, la Grande Guerre, avec ses tranchées et ses Poilus. Prieur va alors mobiliser des lettres de soldats, adressées le plus souvent à leur femme et par son intermédiaire à leurs enfants. C’est bien sûr l’horreur de la vie sans les tranchées et la folie des assauts aux tranchées ennemies qui est alors saisie sur le vif. Le choix du cinéaste s’est souvent porté sur la dernière lettre, celle écrite avant la mort, une mort vécue comme inévitable.
Lorsque vous visiterez un petit village près de chez vous ou à l’autre bout de la France, en allant voir une église romane ou une simple fontaine, n’oubliez pas de jeter un œil au monument aux morts. Plus que le souvenir de la Grande Guerre et de ces Poilus « morts pour la France », vous aurez là une occasion unique de dénoncer les horreurs de la guerre.
Festival International du Film d’Histoire 2023, Pessac. Prix du Jury.
FIPADOC 2024 Biarritz
