Psychiatrie malmenée.

Etat Limite. Nicolas Peduzzi, 2023, 102 minutes.

Peut-on exercer la médecine dans les couloirs de l’hôpital ? A voir le film de Nicolas Peduzzi on serait tenté de répondre que dans certains cas, il n’y a pas d’autre solution.

Le cas que nous montre Etal Limite, c’est celui de Jamal Abdel-kader, médecin psychiatre dans un hôpital de la région parisienne, l’hôpital bourgeron à Clichy. Un psychiatre « mobile » du son statu.t C’est-à-dire qu’il n’a pas de bureau, pas de lieu dédié à ses consultations. C’est-à-dire qu’il consulte dans les chambres des patients, entre 2 soins infirmiers. Peut-il dans ces conditions exercer véritablement, pleinement, la psychiatrie ? Peut-il apporter de l’aide et du soutien à ceux qui en ont besoin, qui sont hospitalisés par exemple à la suite d’une tentative de suicide ?

Chaque plan du film, chaque instant de la journée de travail de ce médecin, nous conduit à penser que la psychiatrie est le parent pauvre de cet hôpital public qui n’est pas lui-même très riche. Une psychiatrie qu’on dirait même moribonde. Mais est-ce une exception dans la situation qui est faite à l’hôpital public aujourd’hui ?

Nicolas Peduzzi film le médecin psychiatre beaucoup plus dans les couloirs de l’hôpital, ou même les escaliers, que face aux patients. Des couloirs toujours encombrés et pas seulement par les familles qui viennent visiter leurs proches. N’y a-t-il donc aucune place pour ranger les brancards ? Jamal ne peut échanger avec ses internes que debout, dans un coin de couloir, et le soir il est particulièrement épuisé. Dans de telles conditions de travail peut-il encore avoir le sens du service public et croire à la mission de la médecine ? Mais le psychiatre est un homme de contact, de relation, qui ne peut pas rester indifférent à la détresse humaine, même si celle-ci dépend en partie de conditions sur lesquelles il n’a pas de prise. Homme de dialogue, Jamal ne se laisse jamais aller au découragement.

Les films sur l’hôpital sont déjà nombreux dans le cinéma documentaire depuis Urgence de Rémond Depardon en 1987 – le thème de la crise n’était pas encore à la mode à cette époque – en passant par Hôpital au bord de la crise de nerfs de Stéphane Mercurio en 2004, un film dont le titre dit tout. Etat Limite n’est pas un film ouvertement revendicatif, mais la crise est bien là, omniprésente, et l’on sent bien que ce sont les patients qui sont les premiers à en souffrir.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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