Casa Susanna. Sébastien Lifshitz, France, États-Unis, 2022, 97 minutes.
Depuis un de ses premiers films, les Invisibles en 2012, Sébastien Lifshitz a acquis la réputation de s’intéresser en priorité aux minorités sexuelles malmenées par la société. Après les couples homosexuels, il filme dans Casa Susanna des travestis américains, ces hommes qui se sentent femme au fond d’eux-mêmes, qui se veulent femme et qui donc vont tout faire pour avoir une apparence de femme, une vie de femme ne serait-ce que pour quelques instants. Car ils doivent se cacher et ne surtout pas révéler leur secret au grand jour. Aux États-Unis dans les années 50 60 se travestir est considéré comme un crime.
Casa Susanna est l’histoire de ce mouvement qui pousse les hommes à se travestir en femme et de se regrouper en réseau. Ils rejoignent souvent des maisons comme celle qu’ouvre Susanna dans la campagne américaine, plus précisément dans les Catskills, au nord de New York. Elles y donne des spectacles, surtout de danse, mais l’essentiel c’est qu’elles peuvent y exprimer pleinement et librement leur aspiration à la féminité.

Au début, ce sont des hommes « comme les autres ». Ils sont mariés, ont des enfants. Ils ne sont ni homos ni trans. Ils veulent simplement pouvoir vivre leur passion sans être l’objet d’exclusion ou de condamnation. Mais les préjugés sont tenaces. Les travestis sont rejetés dans la clandestinité. Peu à peu cependant, ils découvrent la possibilité de devenir vraiment une femme. Beaucoup vont se faire opérer. Le film montre bien ainsi comment la transidentité prend ses racines dans la vie de ces travestis.
Sébastien Lifshitz a retrouvé certains des personnages qui composaient les réseaux clandestins et qui fréquentaient la Casa Susanna. Son film est donc essentiellement composé d’entretiens. Ces femmes évoquent leurs souvenirs, commentent les photos d’époque, exprimant très librement leur sentiment et leur ressenti. Un ensemble de portraits hétéroclites mais où s’exprime cette même aspiration à la liberté, et le désir de pouvoir vivre leur passion sans avoir affaire à la répression. D’où ce côté particulièrement touchant du film. Il y a bien une certaine nostalgie dans les propos tenus, comme toutes les évocations d’une jeunesse passée. Mais le film ne tombe jamais dans la sensiblerie. Il s’appuie beaucoup sur les photos prises à la Casa Susanna. On y voit ces hommes devenus femmes dans leur plus belle tenue, rayonnantes devant l’appareil de prise de vue. Les entretiens eux sont filmés tout simplement, sans effet particulier, sans intervention du cinéaste. L’important c’est la parole. Rarement les questions de genre auront été abordées avec autant de franchise.
