La machine à écrire et autres sources de tracas. Nicolas Philibert, 2024, 72 minutes.
Les machines sont sournoises. Jamais prêtes lorsqu’on en a besoin. Contrariants, elles ne savent pas répondre à nos désirs. Des pannes imprévisibles mais inévitables. Les réparations, simple hasard.
Les machines peuvent nous pourrir la vie, nous faire attendre la réparation, nous faire dépendre des réparateurs, de leur savoir-faire, de leur chance aussi. La réparation dans le film de Philibert est une thérapie. Son succès reste pourtant incertain jusqu’au bout.
Mais les réparateurs ne sont pas là en tant que thérapeutes. Le cinéaste derrière sa caméra – la seule machine vraiment positive, qui a un rôle positif – ne peut guère intervenir. Au mieux il répond quand on s’adresse à lui. Mais filmer doit bien avoir un rôle dans l’issue de l’intervention des réparateurs. Essuyez le CD ou invoquer les esprits du cinéma, n’est-ce pas au fond la même chose. La même façon de pouvoir agir sur les objets. Contraindre les machines à fonctionner. Puisque la cinéaste sera là avec sa caméra en état de marche, le tracas causé par l’absence de musique sera absolument supportable. De toute façon la musique, comme le cinéma, est éternelle.

Sur l’Adamant, Averroès et Rosa Parks, la Machine à écrire et autres sources de tracas, un triptyque, trois films qui se suivent, se répondent se correspondent. Une seule et même thématique, la psychiatrie. Mais pas un état des lieux de cette spécialité médicale, contrairement au film de Nicolas Peduzzi, Etat limite. Pas une critique du manque de moyens. Au fond plus que la psychiatrie, les trois films parlent du vécu de personnes qui d’une façon ou d’une autre ont affaire avec le psychiatre. Certaines y sont contraintes, d’autres l’abordent plutôt en dilettantes, comme un à côté, un petit plus qui peut avoir quelque utilité comme réparer les machines récalcitrantes. Chez Philibert, la psychiatrie n’est pas théorisée, comme s’il n’avait rien à en dire. Ainsi le 3e film, la Machine à écrire, le plus court des trois, n’est surtout pas une conclusion. La vie continue. Rien ne peut l’arrêter, quels que soient les tracas qui la jalonne.
Une fois la machine à écrire réparée, la vie reprend son cours, sa banalité. Le cinéma n’a pas à donner de leçons.
