L’histoire de l’ardoise.

Le dernier combat des gueules bleues. Nicolas Jallot, 2023, 52 minutes.

En tant que grand reporter, Nicolas jallot a parcouru le monde des conflits, et tout particulièrement l’Afghanistan, où il a contribué à faire connaître le combat du commandant Massoud dans ses luttes contre l’URSS d’abord et les Talibans ensuite. D’où toute une série de films indispensables : Afghanistan, l’héritage des French Doctors (2018), Afghanistan, le tombeau de l’URSS (2019), 11 septembre, l’avertissement du Commandant Massoud (2020), Massoud, l’héritage (2021)

En 2023 il revient dans sa région natale, l’Anjou, où son père était mineur-ardoisier, comme d’ailleurs tous ses ascendants masculins. L’occasion pour Jallot de retracer l’histoire de l’activité minière et industrielle de cette région, fondée sur l’ardoise, depuis son apogée au début du 20° siècle jusqu’à la fermeture du dernier puits de Trélazé en 2014. Comme pour le charbon, la fin de l’extraction de l’ardoise et la fermeture des mines marque la fin d’une époque et la disparition d’un métier – mineur- qui avait fait vivre des générations de travailleurs et assuré la prospérité de régions entières.

Mais l’histoire de l’ardoise en Anjou rejoint celle du charbon par un côté beaucoup moins glorieux : le développement de la silicose, la maladie des mineurs.

Un dernier combat pour ces hommes atteints de déficience respiratoire ou de cancers et qui luttent pour obtenir le statut de maladie professionnelle. Un combat long, incertain, souvent voué à l’échec d’ailleurs, tant la justice est loin de prendre en compte la souffrance et la détresse humaine.

Le film s’appuie sur le témoignage de trois anciens mineurs qui ont passés plus de 40 ans dans le travail de l’ardoise et qui sont aujourd’hui sans travail et malades. Le récit de leur première descente au fond (ils se souviennent de tous les détails, le jour et même l’heure) éclaire parfaitement le rapport qu’ils ont toujours entretenu avec la mine et leur travail. Un travail particulièrement dur, mais qu’ils n’ont jamais cessé d’aimer, tant la solidarité et l’entraide entre mineurs est forte. C’est peu dire que sans la mine, leur vie n’a plus de sens.

Nicolas Jallot nous montre avec une grand précision tous les aspects du travail de mineur et d’ardoisier. Pendant la guerre, les femmes remplacent les hommes partis au front. Si elles n’ont pas le droit de descendre dans les puits, elles travaillent les ardoises avec une grande finesse, dépassant même souvent celle des hommes.

Outre quelques anecdotes, comme l’origine de l’expression « laisser une ardoise » dans les bistrots en particulier, le film repose sur une qualité visuelle tout à fait extraordinaire. Le fond de la mine est quasiment filmé comme une œuvre d’art, avec des couleurs et des lumières qu’on peut qualifier d’étincelantes. Ce qui n’enlève rien à la description de la dureté du travail. Bien au contraire.

Un film qui constitue une pièce importante de l’histoire de l’activité minière en France. Et que les toits d’ardoise sont beaux, des châteaux de la Loire à Versailles !

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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