Cavanna.

Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai. Nina et Denis Robert, 2015, 90 et 55 minutes.

De Hara-Kiri à Charlie Hebdo, L’humour bête et méchant, inoubliable, unique, irremplaçable. Rire de tout, en étant féroce. Sans retenues. Passer les bornes des conventions, du bien-penser. Toujours provoquer, tous azimuts et surtout là où on ne l’attend pas. Une presse sans équivalant. Pour qui compte avant tout la liberté d’expression. Même s’il faut en payer le prix fort. Et reprendre sans cesse le combat contre le sectarisme, l’intolérance et la bêtise.

Une presse associée au nom de Cavanna, le fondateur, avec le « professeur » Choron. Une presse qui a connu des hauts et des bas, des interdictions par le pouvoir politique, mais aussi des problèmes financiers quand le lectorat se réduit. Mais y a-t-il une alternative, des remplaçants possibles ?

Suivre la carrière de Cavanna c’est donc plonger dans cette époque où tout est possible, où les dessinateurs et les chroniqueurs s’en donnent à cœur joie. Mais cabana est aussi un écrivain. Il se veut écrivain. Jusqu’à rêver d’être publié dans la collection blanche de Gallimard. Il y réussira de la plus belle façon. Après le succès que furent les Ritals et les Russkoffs il publiera dans cette prestigieuse collection Lune de miel. Une consécration pour lui.

Le documentaire de Nina et Denis Robert utilise avec une grande maîtrise toutes les ressources dont un documentariste peut rêver quand il développe un projet de portrait filmé. D’abord il s’assure de la complicité de celui qui sera au centre du film. Les Robert, père et fille, ont vite fait ami avec Cavanna, et c’était essentiel pour pouvoir recueillir à la fin de sa vie ses pensées, ses sentiments, ses espoirs encore et toujours, mais aussi ses échecs et ses déceptions. Le tout en toute sincérité, sur le ton de la confidence, une parole rare et donc précieuse. Tout particulièrement après les événements que l’on sait que Cavana n’a pas connu. Le film est réalisé avant, mais parait après le massacre de la rédaction de Charlie. « Je suis Charlie » sans être prononcé, le slogan est présent à chaque image.

Et puis il y a les archives des images, irremplaçables. Les plateaux de télé bien sûr, de toutes les époques, où c’est surtout Cavanna écrivain qui est mis à l’honneur. Comme sur le plateau d’apostrophe ou Pivot n’hésite pas à mettre l’auteur de Lune de miel à hauteur de Michel Tournier et Benoîte Groult.

Enfin la parole est donnée aux amis, aux compagnons de travail, surtout les survivants Delfeil de Ton et Willem par exemple. Mais le véritable coup de génie du film est d’avoir capté les déclarations de toutes les célébrités endeuillées (de Siné à Charb en passant par un lecteur anonyme) le jour de l’enterrement de Cavanna au Père-Lachaise. Des hommages simples, sincères, portés par l’émotion, mais qui disent tout de cette époque et de ce que Cavanna et les acteurs de Hara-Kiri et Charlie ont pu représenter.

La disparition de Cavanna marque-t-elle la fin de tout cet humour bête et méchant qu’il a si bien su incarner ? Certainement pas, même si la presse où il a toujours été vivant a connu bien des évolutions.

« Jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai » Tout est dit.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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