Il a suffi d’une nuit. Emanuelle Bidou, France-Belgique, 2023, 90 minutes.
On ne meurt plus du sida, grâce aux nouvelles thérapies, en France du moins. Mais ce n’est pas vrai du monde entier. En Afrique en particulier, les médicaments sont bien trop chers pour être accessibles au plus grand nombre. Femmes et enfants continuent de payer un lourd tribut à la maladie.
Avec ce film Emanuelle Bidou fait en quelque sorte son coming out. Depuis la découverte de sa séropositivité elle évoque les différentes étapes de sa vie personnelle, sa vie amoureuse surtout, les étapes qui ont été impactées par le virus. Malgré l’évolution indéniable et positive des représentations sociales de la maladie, il n’a jamais été facile de vivre comme tout le monde quand on est contraint de suivre quotidiennement des prescriptions médicales lourdes et lorsque la hantise de la transmission à d’autres, aux enfants aux proches aux amoureux, ne peut pas simplement être oubliée grâce au progrès de la médecine. Être séropositif est toujours un handicap.
A côté des aléas de sa propre vie Emanuelle Bidou va rencontrer d’autres personnes qui vivent comme elles avec la présence en eux du HIV. En commençant par les grands ancêtres, Hervé Guibert et Jean-Luc Lagarce plus précisément, qui ne sont plus là pour venir témoigner directement mais dont l’œuvre est mobilisée pour combler leur absence, D’où la citation toujours émouvante de La Pudeur et l’impudeur en particulier.
En dehors du cas de cet homme homophile victime comme son père de ce qui a été appelé le scandale du sang contaminé, les autres témoins fond, pourrait-on dire, partie d’une certaine banalité. Toxicomanes ou homosexuels, ils invoquent sans honte et sans culpabilité l’origine de l’infection. Mais au fond, le film n’est pas une enquête sur la façon dont ils ont contracté le virus, mais plus sereinement, sur les modalités de ce vivre avec, avec ces contraintes matérielles mais surtout les répercussions psychologiques et mentales. Vivre avec le sida c’est ne pas vivre comme tout le monde ses relations avec les autres. Une vie « presque normale ».
Emanuelle Bidou ne présente pas son cas personnel comme un modèle. Elle en montre tout simplement, sans dramatisation excessive, toutes les dimensions, dans les rencontres amoureuses, dans la joie de pouvoir enfin avoir un enfant qui pourra naître sans être déjà porteur du virus et dans la relation de confiance avec son médecin présentée comme exceptionnelle et dont la rencontre a été déterminante dans sa lutte contre la maladie. La séquence dans laquelle Emanuelle apprend la retraite prochaine de la soignante est un modèle du genre, hommage au dévouement du personnel soignant et mise en avant d’un modèle d’exercice de la médecine profondément humain, au service de ceux qui ne pourraient survivre sans s’appuyer sur leur dévouement.
Le film d’Emanuelle Bidou n’est pas un cri de révolte contre une fatalité qui pourrait être vécue comme une injustice, c’est bien plutôt un cri de foi dans la vie.

