Monde virtuel

Knit’s Island. L’ile sans fin. Elkiem Barbier, Guilhem Causse, Quentin L’helgoual’h, France, 2023, 97 minutes.

Ils remplissent leurs gros sacs à dos de nourriture, et armés de leur seule caméra, ils créent leurs avatars pour pénétrer dans le monde virtuel d’un jeu vidéo. Une exploration en totale immersion, à la rencontre d’autres joueurs, dans cet espace infini fait de forêts, de déserts, de vieilles maisons, d’une mer et d’un ciel bleu.

Les premiers êtres vivants rencontrés sont des paysans qui cultivent des légumes pour survivre. Mais cette communauté paisible, qui refuse de porter des armes, est presque une exception. Les joueurs rencontrés ensuite sont armés jusqu’aux dents et n’hésitent pas à faire usage de leur fusil d’assaut. On a même l’impression qu’ils tirent sur tout ce qui bouge et qu’ils en tirent une sorte de plaisir finalement peu compréhensible tant tuer devient banal. Une violence virtuelle certes, mais qui est devenue la marque distinctive des jeux vidéo.

Le film de Barbier, Causse et L’helgoualc’h s’inscrit dans la vague qui pousse les jeux vidéo auprès d’un public, souvent jeune mais toujours passionné et dont on dit souvent qu’il cherche un refuge dans le virtuel, une échappatoire à la vraie vie. Mais ce n’est pas un jeu vidéo. Le spectateur reste un spectateur de cinéma. Il n’a pas de clavier ou de souris à sa disposition. Il n’intervient pas, il ne peut pas intervenir, dans le jeu. Le virtuel reste une réalité à part, réservée à quelques-uns. Ignorée de la majorité. Et les cinéastes, eux, restent des cinéastes.

Un film qui est une bonne initiation aux mondes virtuels qui ont tendance à envahir internet. Sans que les cinéastes nous donnent clairement leur point de vue – leur film n’a rien de critique – il nous interroge fortement. Faut-il que la vraie vie soit à ce point défectueuse, insatisfaisante, pour que tant de personnes la fuient et basculent dans une addiction si chronophage. Comme toutes nos addictions, les jeux vidéo nous parlent de nous-mêmes.