Résistante

La résistante et le collabo. Aubin Hellot, 2024, 52 minutes.

Un film sur la Résistance à travers le portrait-hommage d’une résistante, Noëlla Rouget, engagée à l’âge de 23 ans dans la lutte contre l’occupant, à Angers. Dénoncée et arrêtée par un jeune collaborateur, elle sera internée en France d’abord puis déportée à Ravensbrück où elle vivra deux ans d’enfer avant d’être libérée à la faveur d’un échange organisé par la Croix Rouge avec des civiles allemands prisonniers en France. Le film retrace sa vie, depuis son plus jeune âge, jusqu’à sa mort, à 100 ans, période où elle vivra en Suisse, sans jamais renoncer à ses engagements et à sa foi catholique.

La première originalité du film est d’entrecroiser ce premier portrait – le plus important bien sûr, et le plus émouvant – avec celui de son dénonciateur, Jacques Vasseur. Ce n’est que 17 ans après la libération – 17 années où il vivra caché chez sa mère – que Vasseur sera arrêté, jugé et condamné à mort. Reprenant les déclarations des témoins du procès, le film fait le bilan de ses activités au service de la Gestapo en même temps qu’il brosse son portrait moral. Un homme timide et secret qui ne manifestera aucun remord.

Deuxième originalité : à côté de la dénonciation de la barbarie nazie, le film est un réquisitoire contre la peine de mort. Et ceci à travers l’action que mènera, avec succès, Noëlla pour obtenir la grâce de Vasseur du général De Gaulle alors Président de la République. Vasseur vivra 22 ans en prison avant d’être libéré. Pendant toutes ces années Noëlla entretiendra avec lui une correspondance suivie. A sa libération il immigrera en Allemagne et obtiendra la nationalité allemande. Il ne répondra plus alors aux lettres de Noëlla et celle-ci sera alors bien forcé de reconnaître son échec dans sa tentative d’humaniser à distance son ancien dénonciateur. Ce qui ne la conduira pas à renoncer à son combat contre la peine de mort, dont elle demandera sans relâche l’abolition. Les textes qu’elle écrira alors sont d’une grande force. Le travail du réalisateur pour les retrouver et nous les faire connaître est tout à fait remarquable.

Le travail de Hellot, s’il a donc une grande portée historique, est aussi le travail d’un cinéaste. Les films utilisant des archives ont souvent le défaut de reléguer les images au second plan, confiant les contenus, historiques en particulier, uniquement au commentaire. Hellot échappe à cette critique grâce à la pertinence et à la diversité des images qu’il mobilise. D’abord des archives familiales, des photos de Noëlla enfant, puis adolescente dans le cercle de famille. L’occupation allemande est représentée par des archives historiques des troupes allemandes et par des extraits de films sur la vie quotidiennes des soldats en France. Des images actuelles de la ville d’Angers et ses ruelles étroites du centre-ville présentent le contexte géographique. Pour le procès de Vasseur- comme pour l’arrestation de Noëlla – le cinéaste a recours à des images dessinées, des images sombres qui correspondent bien au sujet traité. Enfin Hellot a rassemblé des documents d’un prix inestimable, comme les lettres de Noëlla – celle au Général De Gaulle en particulier – dont la lecture ajoute une grande charge d’émotion à leur présence. Bref on a bien affaire à un documentaire de création, présentant le point de vue d’un auteur engagé, en particulier en faveur de l’abolition de la peine de mort.

La dimension historique des années sombres de l’occupation n’est pas vraiment revisitée dans le film. Mais la volonté de traiter dans un même mouvement résistance et collaboration ne manque pas d’intérêt.

Un film qui devrait être vu dans toutes les écoles.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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