J’ai dessiné Drancy. Journal de Georges Koiranski. Xavier Pouvreau, 2024, 53 minutes.
Frosia. Une femme libre au goulag. Anne Georget, 2024, 60 minutes.
2Deux films qui peuvent très vien être rapprochés, malgré leurs différences.
une thématique commune : survivre dans un univers concentrationnaire. Un traitement commun : des dessins renvoyant au quotidien de cet univers, l’enfermement les brimades, les coups, les sévices, la faim, un univers de souffrance et d’humiliation, l’enfer.
Georges et Frosia, un homme et une femme. Lui est parisien. Juif il est dénoncé par un voisin et interné au camp de Drancy Elle s’occupe d’une exploitation agricole en Bessarabie. A l’arrivée des soviétiques, elle est reléguée dans un camp de rééducation par le travail en Sibérie.
A Drancy, Georges va trouver dans le dessin un moyen de survivre, un moyen de trouver la force de survivre dans cette situation totalement surhumaine. Il dessine le camp, ses compagnons de détention, les gendarmes aussi en se cachant derrière le dos d’un camarade. Il envoie ses dessins à sa famille grâce à une boîte à linge où il a fabriqué un double fond. Un moyen d’échapper aux fouilles, de contourner la censure. Et puis il arrive à vendre quelques dessins. Un peu d’argent pour améliorer l’ordinaire. Un ordinaire si pauvre, deux louches de soupe si claire qu’on peut la confondre avec l’eau. Dans son journal au jour le jour il rend compte des événements du camp. Trois jours par semaine les bus de la gendarmerie conduisent les malchanceux à la gare du Bourget. Départ pour la déportation. Georges échappe à la déportation car il est marié avec une Aryenne. Celle-ci, Hélène, fera tout pour obtenir sa libération, harcelant littéralement les autorités françaises. Autre événement dessiné et raconté avec une angoisse de plus en plus grande et une répulsion et une honte insupportable. L’arrivée dans le camp d’un convoi de femmes, suivi peu après d’un convoi d’enfants, de très jeunes enfants devenus orphelins. De Drancy, Georges est envoyé à Pithiviers pour revenir Drancy. Un parcours dont personne ne comprend la signification.
Les dessins de Georges sont des documents irremplaçables pour connaître la vie du camp et le vécu des internés. Les amis de George seront presque tous expédiés dans les camps de la mort. Très peu en reviendront.

Euphron Kersnovskaïa dite Frosia est née à Odessa. De Bessarabie où elle travaille, elle est envoyée dans un camp de rééducation par le travail en Sibérie. Nous suivons son trajet interminable et cauchemardesque. Son errance semble ne pas pouvoir s’arrêter, de camp de travail en camp de travail, de jugement en condamnation de plus en plus lourde, de la scierie où elle doit abattre des arbres les débitter, en faire du bois en respectant les quantités prescrites de plus en plus importantes, à la mine où elle risque à chaque instant d’être ensevelie par les éboulements. Le travail est de plus en plus dur, harassant, insupportable. Elle réussit pourtant à s’évader, pour être reprise, recondamnée de plus en plus lourdement. Où trouve-t-elle le moyen de survivre ? D’où lui vient cette force qui lui permet de surmonter tous les dangers, toutes les situations les plus inimaginables. Elle finira par être libérée et elle retrouvera sa mère. Une fin qu’on n’osait espérer.
Le récit de ces 18 années de survie dans le goulag et d’une précision qu’on pourrait qualifier de diabolique, et les dessins – quelques 680 ont été retrouvés -nous plonge jusqu’au fond de l’enfer. Des dessins qu’on doit aussi considérer comme des œuvres d’art, mais qui sont d’abord d’inestimables témoignages. Aujourd’hui ils font partie de ces œuvres qui doivent être mis à l’honneur des femmes. Frosia a une force et une volonté qui dépasse de loin bien des comportements masculins, en particulier ceux qui dans le goulag ont une parcelle de pouvoir, un pouvoir bien dérisoire dans l’absurdité de ce monde.
Le film d’Anne Georget en mettant l’accent sur l’humanisme indestructible de Frosia est certes une dénonciation de l’horreur du Goulag, mais aussi à travers le portrait de cette femme exceptionnelle il réalise une véritable ode à l’espérance.
Festival International du Film d’Histoire. Pessac 2024.
