Faim et recettes de cuisine dans les camps.

Festins imaginaires. Anne Georget, 2014, 70 minutes.

Brioche, riz à l’impératrice, macaron, riz créole, profiteroles au chocolat, pain de viande, gâteau aux pommes de terre, crème bourgeoise, far Breton, coq au vin, tomates farcies, macaroni à l’italienne, bouillabaisse, galette des rois moules à la béchamel et bien d’autres encore De quoi s’agit-il ?

Sur de petits carnets ou de simples bouts de tissu, des internées du camp de  de Ravensbruck pendant la seconde guerre mondiale mais aussi dans les camps de travail du Goulag soviétique, recopient des recettes de cuisine, des plats quotidiens plus que de la grande astronomie. Les femmes des camps se réunissent clandestinement, échangent ses recettes dans des moments de fraternité qui les aident à survivre dans l’enfer du camp.

Le camp c’est l’univers de la faim, une faim incessante, de tous les instants, insupportable. Une eau noire pour café le matin, un liquide jaunâtre où flottent parfois quelques épluchures de légumes, liquide appelé soupe, juste un bout de pain. La faim détruit les corps devenus des squelettes ambulants. Elle détruit ce qui peut rester d’humanité dans le camp.

Mais parler de cuisine, partager les recettes – combien mets-tu de farine et quel est le temps de cuisson – est peut-être un moyen de combattre la faim, de ne plus y penser ou d’y penser et de la vivre autrement. Un moyen de résistance.

Le film d’Anne Georget fait intervenir des survivantes de cet enfer qui décrivent avec précision cette sorte de cérémonie des recettes de cuisine. Mais aussi des historiens, des anthropologues, des philosophes des commentateurs et même un chef étoilé. Tous soulignent l’inhumanité des camps et la force de ces femmes qui ont réussi à survivre peut-être grâce à la magie de la cuisine.

Avec ce film Anne Georget s’affirmait déjà comme une spécialiste de l’univers concentrationnaire vu sous des angles originaux, pas toujours évident. Ce que confirme son dernier film, Frosia, une femme libre au Goulag, où c’est le dessin qui est l’arme permettant de survivre au camp de travail en Sibérie

Avatar de jean pierre Carrier

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

Laisser un commentaire