Femmes afghanes.

Hawa. Najiba Noori et Rasul Noori. France, Pays Bas-Afghanistan-Qatar, 2024,85 minutes.

Nous connaissons la situation des femmes en Afghanistan. Ou du moins, nous croyons la connaître. Mais chaque bulletin d’information amène son lot de nouvelles dépêches, plus horribles les unes que les autres. Jusqu’où les Talibans iront-ils ? Est-il toujours possible d’aller encore plus loin dans l’abjection ?

Le film de Najiba Noori et Rasul Noori ne nous apporte pas un constat définitif de cette situation. Chose impossible. Là n’est pas sa force. Sa force, c’est de nous faire vivre cette situation de l’Intérieur, depuis l’inquiétude qui se transforme vite en angoisse devant l’imminence du retour des Talibans au pouvoir. Puis dès leurs prises de pouvoir, ces craintes deviennent chaque jour davantage réalité. Les Talibans n’auront fait illusion qu’un temps. Un temps bien trop court. Un pouvoir islamiste passé maître dans l’art du mensonge et de la dissimulation et qui va donc se déchaîner dans son projet d’invisibilisation des femmes, de toutes les femmes, dès le plus jeune âge, et d’en venir à nier de façon absolue le féminin même.

Le film commence par l’atterrissage d’un avion à l’aéroport de Paris. La réalisatrice a fui son pays. Journaliste, elle est bien trop exposée. Prendre la parole pour une femme afghane est impossible dans son pays. Seule solution, l’exil. Elle a quitté son pays sa famille et le film inachevé qu’elle avait entrepris sur la vie de sa mère. Un destin semblable à celui de bien d’autres femmes. Mariée toute jeune par son père elle m’a appris ni à lire ni à écrire, et c’est parce que cela lui est devenu insupportable aujourd’hui qu’elle va entreprendre cette tâche immense de faire le chemin ardu vers l’éducation. Nous suivons les longues étapes de cette auto-éducation. Chemin périlleux depuis le CP jusqu’au CM. Un chemin qui deviendra vite mission impossible avec le retour des talibans au pouvoir.

A Kaboul dès le début du film, nous sommes mis en face des difficultés de toute sorte que rencontre Hawa. D’abord son mari est atteint de la maladie d’Alzheimer. Certains jours il ne la reconnaît plus. Il demande donc une surveillance, des soins continus. Pourtant Hawa ne renonce pas à son projet de créer une entreprise artisanale de décoration et de broderie de tissu. Elle réussit alors à se rendre, dans des montagnes reculées, rencontrer des femmes qui peuvent lui vendre des tissus. Après négociation sur les prix Hawa a déjà une attitude professionnelle.

 le film retrace la vie de 3 générations de femmes en souffrance. A l’arrivée des talibans, une des petites filles d’Hawa, battue et chassée de chez elle par son père qui en a la garde après son divorce d’avec la fille d’Hawa, n’a pas d’autre solution alors que de se réfugier chez sa grand-mère. Une charge de plus pour Hawa

Le film a tout pour soulever l’indignation du public et pour susciter une grande émotion. la cinéaste intervient peu, toujours à bon escient pour une explication ou une prise de distance. Elle en reste le plus souvent au quotidien, ponctué par les conversations vidéo de la cinéaste devenue parisienne et de sa mère restée en Afghanistan, aux mains de ce pouvoir destructeur.

Ce film peut jouer un rôle non négligeable dans l’aide que l’Europe peut – doit – apporter aux femmes afghanes, dans l’accueil des réfugiées d’abord, dans l’information donnée sur la situation de plus en plus insoutenable de celles qui sont restées dans leur pays. Il peut appuyer la prise de conscience qu’il est urgent d’agir, en faisant pression sur le pouvoir européen pour qu’il ne reste pas indifférent.

Le film de Najiba Noori et Rasul Noori est un cri. Un cri qu’il peut amplifier jusqu’à ce qu’il devienne audible dans le monde entier.

Fipadoc 2025.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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