Les esprits libres. Bertrand Hagenmüller, France, 2024, 94 minutes.
Une dizaine de résidents d’un Ehpad de la région parisienne part en Bretagne pour une résidence d’artistes. Ils sont accompagnés par leurs soignants habituels étant tous atteints par la maladie d’Alzheimer. Des comédiens se joignent à eux qui leur proposent des activités théâtrales.
Une résidence d’artistes donc, d’un genre tout particulier, qui sera une grande expérience inédite de vie collective ou toute les représentations habituelles, de la vieillesse et de la maladie seront laissées de côté.
Le film de Bertrand Hagenmüller nous fait appréhender de façon extrêmement précise et concrète ce qu’est la maladie d’Alzheimer. Cette disparition de la mémoire et des repères qui organisent la vie quotidienne. Comment ces malades continuent-ils de vivre malgré tout ? Chacun à sa façon, en se bâtissant une « folie », un délire plus ou moins continu. Comme cet homme. Qui n’a qu’une idée, rentrer chez lui, à Paris, à pied, malgré la distance, dont il n’a bien sûr aucune idée.
Le film nous plonge aussi aux côtés des soignants. Un travail qui ici, dans ce contexte particulier, prend une tournure spécifique. Ici, tout le monde se tutoie. C’est dire que la relation soignant patient n’est plus la même. L’intimité de plus en plus grande crée des liens, une affectivité qui déborde largement le cadre des soins. Les soignants se réunissent régulièrement. Le soir, lorsque les malades ont regagné leur chambre. Ils évoquent leur journée. Ils partagent leurs observations sur les comportements de ces femmes et de ces hommes qui ne sont plus simplement perçus comme des malades. Ils se demandent comment, à la fin du séjour, ils pourront reprendre le travail habituel. Dont ils espèrent qu’il pourra quand même prendre une dimension nouvelle.
Et puis il y a la dimension théâtrale. Des jeux de rôle sont proposés aux résidents. Ils jouent le médecin qui reçoit un malade. Ils doivent le conseiller. Lui fournir de l’aide. Un renversement de situation conçue comme pouvant être thérapeutique.
Une fête sous forme de déambulation dans la grande bâtisse est organisée à la fin du séjour. Les habitants du village proche sont invités. La distinction, la séparation, entre les malades et les biens portants tend à être abolie.
Une expérience qui ouvre une réflexion sur la vieillesse et sur la maladie. Une vie certes limitée, diminué par ce qui est un handicap, Mais une vie qui vaut toujours le coup d’être vécue, grâce aux relations amicales et aussi à la créativité.
Fipadoc, Biarritz 2025.
