Belfast, souvenirs des troubles.

The Flats, apparts à Belfast. Alessandra Celesia, France-Belgique-Irlande-Royaume Uni, 2023, 114 minutes.

Un immeuble dans le quartier catholique de Belfast. Les fenêtres de l’appartement offrent une vue presque panoramique sur les rues avoisinantes. Une magnifique tour d’observation.

Aujourd’hui, tout est calme, la paix est revenue. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Du temps des « troubles » en Irlande du Nord, les affrontements entre catholiques et protestants faisaient l’actualité. Des souvenirs encore vifs. Il faudra bien plus de temps pour les effacer. Pour l’instant. Ils ne peuvent être oubliés.

Alessandra Celesia connaît bien l’Irlande. Elle y réside depuis tant d’années. D’ailleurs, elle a déjà consacré un film à Belfast, Le Libraire de Belfast. Un film qui n’évoquait que de loin les manifestations, les affrontements, la guerre contre l’armée anglaise. Aujourd’hui, elle revient sur ses événements avec un regard apaisé. Elle revient pour faire un travail de mémoire. Un travail qui ne se veut pas un travail d’historienne. Alessandra n’est pas l’historienne. Ce qui l’intéresse, c’est le vécu et les traces que la guerre a laissées dans les mémoires.

Le film suit un habitant d’un de ces immeubles, Joe. Fervent catholique, il entretient un petit cimetière du quartier et la statue de la Vierge où les pratiquants se réunissent, tous les samedis, pour prier. Avec ses voisins, il va reconstituer ce temps du passé. Rouvrir les plaies, refaire l’histoire, mais pas au sens de la transformer. Pas au sens de gommer le tragique, d’effacer l’insupportable. L’histoire ne se réécrit pas. Les événements, on les commémore, c’est tout.

 Dans The Flats, pas d’historien. Ou autre spécialiste, dont la parole est sensée faire autorité.  Alessandra Celesia en reste à une approche intimiste, personnelle. L’histoire dans le sang des personnes qui l’ont vécu.

The Flats est donc un portrait, un portrait de ce quartier dominé par les immeubles, un quartier où les tensions entre communautés, les affrontements, les manifestations, les attentats, les arrestations ont façonné la vie catholique quotidienne. Qu’en reste-il aujourd’hui ?

Ces habitants du quartier réunis autour de Joe tentent alors de reconstituer leur vécu des événements. C’est la partie la plus émouvante, poignante même, du film. On y voit concrètement comment le travail cinématographique peut contribuer à une résilience qui n’est pas, qui ne peut pas être, un oubli. Cette dimension du film A tout d’une fiction, mais ce n’est pas une fiction.

Les protagonistes du film, la famille de Joe, jouent leur propre participation aux événements. Par exemple la veillée funéraire lors de la mort de l’Oncle de Joe. Joe était enfant, et son oncle adolescent. Aujourd’hui, seul Joe est devenu adulte. Cette confrontation de deux époques fait sens. Comme l’utilisation des archives des événements eux-mêmes. Joe les commente depuis son canapé.

Ce regard portant aujourd’hui sur le passé fait aussi partie de l’histoire.

Festival International du Film d’Education, Evreux 2024.

Fipadoc, Biarritz 2025.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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