Procès d’une mère.

Maman déchire. Emilie Brisavoine, 2023, 80 minutes.

Un règlement de compte familial. Le procès d’une mère, des accusations graves. Elle a « pourri l’enfance » de la cinéaste. Pas d’excuse. Pas de d’atténuation de la faute.

 Le film d’Émilie Brisavoine nous plonge au cœur d’une famille, sa famille. Une famille disloquée, brisée, éclatée, une famille ou l’unité n’existe plus ou peut-être même, n’a-t-elle jamais existée. Le père et la mère séparés. Les enfants tiraillés d’un côté et de l’autre. Quand ils sont chez le père, c’est la mère qui manque. Quand ils sont chez la mère, c’est le père qui est absent. Une famille qui donc a perdu tout ce qui peut faire la vie familiale traditionnelle3

Une famille même pas recomposée. Sans famille, les enfants sont-ils perdus, condamnés à une vie éparpillée, faite de fragments impossibles à recoller entre eux ? Sans vie de famille. Pas de vie, du tout.

Ce nouveau film, après Pauline s’arrache, est d’abord un portrait d’une mère, une mère qui n’est pas une figure d’amour et de sécurité pour sa fille. Comment alors celle-ci peut-elle grandir, s’affirmer, conquérir son autonomie ? Devenir adulte, une tâche bien difficile lorsqu’il faut affronter seule des difficultés de la vie.

Dans Pauline s’arrache, c’était surtout le père qui était au centre de la problématique familiale, c’était le père qui était source de conflits, souvent violents. Un père qui se travestit en femme, ce qui ne donne pas vraiment une image stable de l’autorité, d’autant plus que l’autorité, il exerce de façon particulièrement arbitraire. Ce qui lui enlève tout efficacité.

Dans ce second film consacré à sa mère, la relation mère-fille semble beaucoup moins conflictuelle. Les scènes de violence ont presque disparu. À l’exception. D’une explosion de la mère contre le travail cinématographique de sa fille. Ce regard insistant de la caméra sur elle qu’elle finit par ne plus pouvoir supporter. Mais le ton souvent douçâtre de la relation mère-fille ne signifie pas qu’après tout, il resterait entre elles une certaine connivence. Une compréhension réciproque, un lien que rien ne pourrait distendre. La relation d’Émilie, avec sa mère est en fait vidée de son sens le plus profond.

Avec ces deux films, indissociables l’un de l’autre malgré leurs différences de tonalité, Emilie Brisavoine s’est engagée dans une critique systématique de la famille. La famille peut-elle encore jouer son rôle d’éducatrice ? Peut-elle rester un point d’attache, une référence à laquelle s’accrocher pour ne pas sombrer.

Un cinéma qui va chercher dans la plus secrète intimité des raisons d’espérer, de croire en l’avenir. Mais qui ne les trouve pas.

L’enfance et l’adolescence ne sont-elles qu’une succession de déceptions ?

Avatar de jean pierre Carrier

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

Laisser un commentaire