Pour le vide.

Mon cœur ne bat pour personne. Diane Sara Bouzgarrou, France,2025, 57 minutes.

Un film qui mêle plusieurs lignes narratives, des strates qui se répondent, s’entremêlent, se repoussent, se disjoignent ou finissent par se joindre pour mieux se retrouver dans un espace imaginaire où chacun tient entre ses mains les fils de l’interprétation. Un film complexe donc. Dont le sens profond n’est pas accessible dans l’immédiateté du visionnage.

Comme le titre. Quelque peu énigmatique. Il laisse entendre… Quoi donc ?  Il ne dit rien du sujet du film. Mais il laisse planer devant le spectateur quelques bribes de sens. Des pistes pour orienter le regard.

 Par exemple, la première personne qui indique la présence de la réalisatrice sans doute à l’image, ce qui se confirmera. Et puis l’expression « cœur qui bat ». Qui renvoie, sans le préciser davantage, à une situation spécifique. A un vécu unique. Fort, inoubliable. Il ne peut s’agir d’une vie simple où le cœur a une fonction uniquement anatomique. Faire battre les cœurs, n’est-ce pas une des fonctions – La fonction – du cinéma. Mais si le cœur bat dans le vide. Pour personne. Alors c’est toute la vie qui devient elle-même proche du néant. Une vie qui alors ne vaut pas la peine d’être vécue.

Il est possible néanmoins de discerner quelques points de signification tels qu’en général les cinéastes, ou leurs producteurs font usage pour rédiger un synopsis. D’abord, il y a une personne, un personnage, un Italien, Ricardo, ami de la cinéaste. Sa place dans le film n’est pas due à son homosexualité, mais à une passion qui va bien au-delà de la simple admiration. Une passion qui l’attire vers un célèbre sérial killer, un assassin en série américain, dont le procès a eu un grand retentissement médiatique. D’où cette question, que signifie exactement cette passion ? Au fond, une passion surprenante, bizarre, dans la mesure où elle semble aller au-delà du simple attrait pour le surprenant, la nouveauté, l’inédit, le dérangeant ? En un mot, le fait-divers unique, riche en sous-entendus et qui résiste à toute rapproche analytique.

Cette question se dédouble en quelque sorte à propos de la place qu’occupe la réalisatrice dans le film. Qu’en est-il donc de cette amitié qui les unit le temps d’un film, au-delà, avant et après ce qui constitue le centre événementiel du film, le voyage en commun en Amérique, à Milwaukee précisément. Sur le lieu où vécu le tueur. Où il effectua ses meurtres et où il sera jugé.

Ceci étant dit, a-t-on tout dit du film ? Ou rien ? Pourrait-on en dire plus ? Mais quoi ? Ne vaut-il pas mieux en rester à ce constat, du vide. Vide de sens, vide d’interprétation, ce vide, qui est aussi un trop-plein. Trop d’images clichées sur l’Amérique, des buildings aux autoroutes urbaines en passant par les bars et les coffee shop. Trop d’images sur le personnage de Ricardo qui de toute façon ne doit pas être identifiable immédiatement. Et même rester obscur ? Trop d’images de la réalisatrice enfin, sa petite caméra a la main. Si elle devait jouer le rôle de celle qui remplit le vide, alors on pourrait dire qu’elle est utilisée à contre-emploi.

Car le grand intérêt du film, c’est de distiller goutte à goutte ce vide si plein. Qui doit bien avoir un sens vis-à-vis du cinéma, le cinéma dans son essence même.

Rencontres internationales du moyen métrage. Brive 2025.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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