Portal solo

Quelques notes sur la liberté. Benjamin Delattre, 2025, 53 minutes.

Un film sur la musique ? Sur la musique d’un musicien, Michel Portal. Seul à l’écran, ou presque. Dans le premier plan, il est en présence du réalisateur et de deux membres de l’équipe technique du film. Ensuite, le même cadrage le montre seul avec ses instruments. Ses deux clarinettes dont il va jouer pour notre plus grand plaisir.

Filmer la musique est un acte cinématographique périlleux. Car rien dans l’image ne doit perturber l’écoute. Ce qui ne peut pas dire que l’image soit négligeable, ni même qu’elle passe au second plan. Il est juste indispensable de trouver la bonne entente entre l’image et le son. Mais que veut dire entente ?

Évidemment, le sens qui vient immédiatement à l’esprit doit être rejeté sans hésitation. Il s’agirait de dire que l’image se met au service de la musique. Plus précisément, qu’elle sert à l’illustrer. Ce qui doit être compris comme une dévalorisation. Ce qu’aucun cinéaste ne peut accepter.

Dans le film de Benjamin Delattre, Portal improvise. Ce qui veut dire que sa musique est vivante. Une musique en acte, inédite à chaque note. Pour préserver cette dimension l’image se doit de ne pas ouvrir sur un extérieur de la musique. C’est pourquoi la seule solution consiste à filmer le musicien. Ne filmer que le musicien (ou les musiciens d’un orchestre). Quelques notes sur la liberté nous offre donc la musique de Portal en train de s’effectuer. Le musicien est toujours à l’image, cadré en plan assez général pour le voir dans sa totalité. Mais aussi en gros plan, sur son visage, sur ses mains, ses doigts posés sur les touches de son instrument. Parfois il s’interrompt de jouer, il parle alors de sa musique. Mais il parle en s’aidant toujours des sons, il parle de la musique en chantant, en fredonnant, en vocalisant les notes. Une parole musicale donc. Comme si la parole du musicien se doit de rester musicale. L’image du musicien fait alors partie de la musique.

Benjamin Delattre nous offre ainsi un film de pure musique. Dans cette rencontre avec Michel Portal qui joue visiblement avec beaucoup de plaisir. Un plaisir que le film nous partage sans rien nous demander en échange. Don gratuit, comme le cinéma, c’est si bien en proposer.

Une immersion totale dans l’action de création. Qui nous transporte loin, très loin dans la monde de l’art.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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