Ali Baba les photos. Luce Fournier, 2024, 40 minutes.
Calais. Non pas la ville, mais la Lande. Là où étaient installés les tentes, les cabanes de bois, les abris de toile. Là où vivez comme dans une ville, ou plus exactement un bidon-ville, tous ces migrants venus de l’autre bout du monde et qui se retrouvaient bloqués par la mer. Une mer qu’il fallait traverser coûte que coûte pour gagner cet Angleterre qui les attirait tant. Comme un paradis promis. À la place de la jungle détruite, rien d’autre que la lande. Plate, uniforme muette. Les souvenirs ne sont pas dans les paysages. Mais dans la tête de ceux qui ont vécu là et qui, pour beaucoup, n’ont pas réussi à s’en échapper.
Laure Fournier a bien connu bien la jungle. Elle y a passé toute une année, travaillant dans une structure d’aide juridique aux migrants. Elle a bien connu ceux qui vivaient là et qui avaient tant besoin d’aide. Et si elle filme aujourd’hui cette jungle absente, c’est pour ne pas oublier le scandale qu’elle fut. Et sa destruction. Mais surtout, c’est pour poursuivre l’aide aux migrants, sous une autre forme, bien sûr. Grâce à ce film, elle est toujours à leurs côtés.
Omar et Bastien, elle les a connus du temps de la jungle. Elle ne les a pas quittés. C’est donc eux qu’elle film ? C’est pour eux qu’elle film le souvenir de la jungle. De long travelling, sur ces espaces, ces lieux vides. Mais aussi. Ce camion porteur d’espoir. Mais le rappel de l’échec répété des tentatives. Une, deux, trois fois. A deux doigts de réussir. De s’embarquer sur un bateau. De se réveiller de l’autre côté. Mais la police, les chiens, les fouilles poussées.
Il y a beaucoup de films sur la jungle. Sur sa destruction en particulier. On ne peut pas oublier, bien sûr, l’extraordinaire L’Héroïque lande, la frontière brûle de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval. Ali Baba les photos n’est pas le point final de cette histoire. Les migrants sont toujours présents dans notre monde parce que les situations – la guerre, la misère, l’absence d’avenir – qui les ont poussés à partir, à quitter leur pays, leur famille, sont toujours aussi dramatiques et désespérantes. Et la situation en France n’a pas non plus changé.
C’est tout à l’honneur de cinéastes comme Luce Fournier d’œuvrer pour qu’ils ne soient pas oubliés.
