Itinéraire d’un film : Les Fantômes de l’Ukraine de Anne Poiret.

Quelle est l’origine du film ?

A l’origine du film, mon obsession pour la question des disparus qui est une question centrale et trop peu abordée des après-guerres (un sujet qui me passionne depuis 20 ans.) ces ni-vivants ni-morts hantent les familles après chaque conflit. C’est la pire des douleurs possibles et cela entrave partout un retour réel à la paix. Je pensais traiter le sujet via le CICR, (l’organisation internationale spécialisée dans ces questions) et à travers 3 pays, l’Ukraine- où les gens disparaissent aujourd’hui, soldats et civil- l’Irak- qui compte des centaines de milliers de disparus depuis les années 80 – et la Colombie où un très ambitieux programme de recherche (mis en place après le traité de paix de 2016) permet d’apaiser de nombreuses familles. Mais très vite après le 1er repérage en Ukraine à l’été 2023, il est apparu que le sujet devaient être les femmes. Ce sont elles, partout dans le monde, qui œuvrent à ces recherches. Et la force de leur amour m’est apparue comme devant être le véritable sujet du film. Il m’est apparu également qu’il allait falloir laisser passer du temps pour que des histoires puissent se dénouer sous nos yeux. Nous avons enfin décidé de nous concentrer sur l’Ukraine qui se comporte sur ce sujet comme un pays le fait normalement après les combats. A savoir que l’Ukraine recherche déjà ses disparus, qu’elle échange ses prisonniers avec les Russes ainsi que des milliers de corps et a lancé des programmes ambitieux d’identification de ces dépouilles (même si, bien sûr, tout est toujours trop lent pour ces épouses, ces mères, ces filles…)

Comment s’est opéré le choix des protagonistes

Durant ce 1er repérage, nous avons rencontré de nombreuses femmes à Kyiv mais Ludmilla, Ludeshka et Tetyana sont celles avec qui nous avons pu cheminer pendant ces deux années de tournage. Elles ont des parcours fort différents et leur histoire incarne des problématiques diverses. L’une retrouve son mari vivant, l’autre récupère le corps du sien grâce à l adn, l’autre enfin, va devoir vivre avec une forme d’incertitude après s’être elle-même confronté au front.

Quelle est la réception du film en Ukraine ?

Le film a pour le moment été diffusé en France mais je finis de le faire traduire pour organiser une projection à Kyiv dans les semaines qui viennent pour les protagonistes, leurs proches et les associations qui les aident. Mon ambition est surtout de le montrer auprès des instances qui ont à faire avec ces questions de disparus. A Genève, à la Haye, à New-York afin de parvenir à avoir un impact sur la manière dont sont gérés ces dossiers. Trop souvent encore les diplomates échouent à comprendre qu’une disparition n’a rien à voir avec le deuil et qu’il faut impérativement œuvrer après chaque conflit afin d’apporter des réponses aux familles. J’espère que ce documentaire parviendra à leur faire comprendre ce que vivent réellement ces femmes.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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