R COMME RADIO

La Maison de la radio, Nicolas Philibert, 2013 ? 103 minutes.

            Les passionnés de radio sont comblés. Tous ceux qui supportent mieux les embouteillages et la longueur du trajet pour se rendre au travail parce qu’ils ne sont plus seuls dans leur voiture. Tous ceux qui sont accros à l’info et qui doivent savoir tout ce qui se passe dans le monde au moment même où cela se passe. Tous ceux qui meublent leur solitude avec les voix qu’il y a dans le poste. Tous ceux qui sont passionnés de musique, de sport ou de littérature. Et tous ceux qui, tout simplement, aiment les contacts humains, les découvertes, la connaissance et toute forme de loisirs. C’est à ces milliers d’auditeurs de radio, si différents les uns des autres que s’adresse le film. Même si on ne les voit jamais à l’image, ils sont bien présents à chaque plan, puisque c’est pour eux que sont faites les émissions.

            Le film de Nicolas Philibert nous fait découvrir l’envers du décor, les coulisses de cette grande maison qu’est la « maison ronde ». Il nous fait découvrir les couloirs et les studios, tous les studios. Il nous invite clandestinement dans les comités de rédaction du journal parlé. Il nous fait suivre les répétitions du cœur de Radio France, nous fait assister à l’enregistrement d’une pièce radiophonique, ou à l’interview d’un écrivain célèbre. Rien de ce qui constitue la diversité des émissions de l’ensemble des chaînes de Radio France, de France Inter à Radio Bleue Ile-de-France, de France Culture à France Musique et France Info, rien ne semble laissé de côté, sauf la publicité. Mais nous sommes dans le service public et il ne saurait être question, ici, de publicité clandestine. La seule promotion que fait le film, c’est celle de la radio.

            Avec La Maison de la radio, Nicolas Philibert est au sommet de son art. La méthode employée dans ses films précédents est ici particulièrement efficace. Pas de commentaire, pas d’explication, pas d’interview, nous sommes plongés au cœur de la vie des studios, au plus près de ceux qui travaillent, sans oublier les serveurs qui apportent café et jus d’orange aux invités du matin. Le montage est particulièrement précis et rigoureux. Chaque plan est calibré au cordeau dans sa durée : suffisamment long pour nous laisser le temps de percevoir le sens de l’activité qu’il nous dévoile ; mais pas trop pour ne pas nous plonger dans un confort trompeur. Certaines coupures cut sont d’ailleurs conçues pour bousculer ou stimuler le spectateur. Nicolas Philibert ne manque pas d’humour lorsque par exemple la caméra s’attarde dans le jeu des 1000 euros sur le candidat qui réfléchit à la question posée, qui hésite, trépignant sur place. Trouvera-t-il ? Le temps s’écoule. Non, il ne sait pas. Et nous nous plus, puisque nous passons à autre chose avant que la réponse ne soit donnée.

            La radio est un média de proximité et souvent d’immédiateté. C’est ce que nous montre essentiellement le film. En montrant l’ambiance de travail toujours détendue malgré la fatigue parfois, mais où la concentration est évidente, Nicolas Philibert nous donne une vision d’une certaine perfection professionnelle. Ici, pas de conflit, pas de revendication, le cinéaste a fait le choix de ne montrer aucun rapport hiérarchique. D’où la patience, la patience de tous ces soldats du son, à l’image de ce travailleur solitaire qui la nuit va enregistrer les bruits de la forêt.

            Nicolas Philibert a réussi à rendre le son photogénique. Il ne filme pas le son à proprement parler. Une telle expression peut-elle d’ailleurs avoir du sens ? Il filme la communication, s’attarde sur les visages. Mais les micros sont toujours présents à l’image, les micros mais aussi les téléphones portables et les ordinateurs. Comme tout média, la radio a sa technologie propre. Sa présence est constante. Mais le film n’en fait jamais une démonstration. Il se contente de la rendre visible, ce qui, après tout, est le rôle du cinéma.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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