La distanciation. Martin Benoist, Brigitte Chevet, Aubin Hellot, Robin Hunzinger, Elisabeth Jonniaux, 2021, 52 minutes.
Ce film est le résultat d’un projet innovant de cinéma collectif à distance.
Il s’inscrit dans cette période très particulière, de mars à mai 2020, désignée par le nom de premier confinement, où l’ensemble du pays est mis à l’arrêt en dehors des activités de première nécessité.
Il est réalisé par 5 cinéastes, répartis dans 5 régions différentes, de l’ouest à l’est, de la Bretagne aux Vosges – de la mer à la montagne, de la campagne à la ville – en passant par Paris.

Des instantanées de la vie confinée. Celle de tout le monde, ou presque, si l’on ne tient pas compte de la situation particulière des soignants – et des SDF.
Le film élabore par petites touches une sorte d’inventaire du vécu des français confinés, des moments forts de ces quelques 55 jours, des images marquantes, des impressions fugaces et des souffrances durables.

Ainsi nous regardons à la télé le Président de la République annoncer que le pays est en guerre ; nous jetons un œil sur les Champs Élysées ou une plage de Normandie vides ; nous applaudissons aux fenêtres des appartements les soignants tous les soirs à 20 heures, nous tentons de fabriquer des masques et nous prenons l’habitude d’en porter, et de respecter les gestes barrières ; nous utilisons la visioconférence pour prendre des nouvelles de notre famille et de nos amis ; nous essayons d’aider nos enfants dans la poursuite de leur scolarité, et ainsi de suite.

Mais en dehors de ces aspects contextuels – qui sont loin d’ailleurs d’être simplement anecdotiques – il faut voir cette Distanciation comme une réflexion sur le cinéma lui-même. Pourquoi continuer à filmer lorsque la vie sociale et professionnelle s’arrête brusquement ? Et s’il est facile de faire des images, comment leur donner une dimension sociale, au-delà du narcissisme inévitable de qui se regarde dans la glace de sa salle de bain.

Le film se déroule sans accroc, sans soubresaut, passant sans transition ni ponctuation d’un lieu à l’autre, d’une famille à une autre famille, d’une intimité à une autre intimité – ce qui permet de ne pas rester confiné dans le particulier. Mais surtout on peut y ressentir cette légèreté de l’être qui renvoie dos à dos les pessimistes (nous n’en sortirons pas) et les optimistes (la vie reprendra ses droits).

Un film témoignage donc, qu’il faudra voir et revoir tout au long des années futures. Pour ne pas oublier que rester éloigné d’autrui d’au moins un mètre est une exigence qui ne peut conduire qu’à la folie.