W COMME WUHAN

 A river Runs, Turns, Erases, Replaces. Shengze Zhu, Etat-Unis, 2021, 87 minutes.

Le Cinéma du réel, Festival international du film documentaire, ne s’est jamais donné comme objectif de dresser un état des lieux de la production mondial, ni même nationale, de documentaires. C’est un festival qui s’est plutôt souvent tourné vers la découverte, sélectionnant des films surprenants, originaux, nouveaux dans leur forme. Des films qu’on pourrait presque qualifier d’expérimentaux, si ce terme n’état pas si vague. Des films en tout cas qui surprennent et donc qui ne laissent pas indifférents. Des films qui sont souvent le résultat du choix d’un dispositif unique, poussé jusqu’à la systématisation, que ce soit au niveau de l’image ou de la bande son, ou plus exactement de la combinaison des deux.

Un exemple : A river runs, turns, erases, replaces de Shengze Zhu, ce film tourné à Wuhan, ville chinoise mondialement connue comme ayant été le berceau du coronavirus à l’origine de la pandémie de Covid-19.

Le film est fait de plans fixes, souvent longs, presque immobiles, c’est-à-dire sans mouvement de caméra, mais aussi avec peu de mouvement interne, ou alors des mouvements lents comme les bateaux qui se déplacent sur le fleuve.

Le fleuve, c’est le Yangtsé, omniprésent, filmé depuis la berge en plans larges, laissant deviner, en arrière-plan sur l’autre rive, les nouveaux immeubles à travers un brouillard persistant. Des plans qui sont souvent de légères plongées, comme l’ouverture du film montrant un carrefour dans la ville (la seule fois où on n’est pas à proximité du fleuve) où les rares passants s’immobilisent un instant en entendant une sirène. Par la suite des vues en contre-plongées montrent à plusieurs reprises les piliers d’un pont en construction où quelques ouvriers travaillent au même rythme lent du fleuve lui-même.

Les habitants de la ville sont filmés presque comme des éléments du décor, que ce soit les quelques nageurs dans le fleuve, ou ces couples âgés qui dansent sans grand entrain, ou ceux qui semblent attendre l’arrivée d’un bateau. Ils sont toujours filmés de loin, les gros plans étant proscrit du film.

Mais la présence des habitants de Wuhan prend une autre forme, dramatique celle-là. Des textes de lettres s’affichent sur l’écran. Des lettres écrites par des membres de leur famille à ces parents – une grand-mère, un père, un frère…- victimes du virus. Des hommages émouvants.

Un film silencieux. Pas de dialogue, pas de voix off, pas de prise de parole. Seulement des bruits de contexte en arrière-plan, comme s’ils étaient enregistrés loin de leur source. Nous sommes tous concernés par ce qui s’est passé à Wuhan. Mais nous sommes si loin de la ville.

Cinéma du réel, Paris, 2021.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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