P COMME PAPOUS

Black Harvest. Robin Anderson et Bob Connolly, Australie, 1992, 90 minutes.

         Troisième volet de la Trilogie Papoue, Black Harvest en est la conclusion tragique, la fin d’une aventure commencée dans les années 1930 avec le premier contact des blancs avec les Papous des hauts plateaux de Nouvelle Guinée (First Contact 1982). Le deuxième volet (Joe Leahy’s Neighbours 1988) retraçait la rencontre de ces deux cultures dont Joe, le métis, est le dépositaire. Elevé d’abord comme un Papou, il est ensuite reconnu par son oncle, le frère de Daniel Leahy, le chef de l’expédition de 1930, dont tout laisse à penser qu’il était le père de Joe. Cette reconnaissance permet à Joe, qui n’a pas connu son père, de recevoir une deuxième éducation qui fera de lui un entrepreneur de type capitaliste, comme les colonisateurs australiens d’antan, exploitant une plantation de café qui fit sa richesse. Ne reniant pas ses origines, il s’associe avec les papous, en l’occurrence leur chef, Manui. Mais à quoi peut bien mener une telle association ?

         Si le deuxième volet de la trilogie s’achève sur cette question, le troisième, Black Harvest, est tout entier consacré à la recherche de la réponse. Il commence à la mort de Manui. Joe est alors reconnu comme « Grand Homme » par Popina Mai, qui en fait en quelque sorte son fils adoptif. Joe va alors s’associer avec lui, proposant aux Ganiga, sa tribu, de planter une deuxième plantation de café dont ils partageront les bénéfices. Le film s’achèvera par la blessure de Popina, le laissant comme mort. C’est dire que tout cet épisode est une longue descente dans l’échec.

         Le premier échec est économique. Au moment où la plantation des Ganiga entre en production, les cours mondiaux du café s’effondre. Popina ne sera pas millionnaire dans l’immédiat et les papous devront travailler à la cueillette pour des salaires de plus en plus bas. Ce que visiblement ils n’ont pas très envie de faire.

         Mais il y a une autre raison qui les pousse à déserter les plantations de café, la tradition. Une tribu voisine, avec qui les Ganiga sont alliés, entre en guerre contre son ennemi traditionnel. Ils doivent leur prêter main forte. Ils doivent aller se battre plutôt que cueillir le café, même si celui-ci arrivé à maturité ne peut plus attendre. C’est toute la récolte qui est compromise, cinq ans d’effort et de patience. Joe essaie de les convaincre, par tous les moyens. En vain. Il ne réussit qu’à se les mettre de plus en plus à dos. La rupture avec Popina devient inévitable. Joe tente de s’installer en Australie. Il n’y sera pas accepté.

         Black Harvest est construit comme un film d’aventure et se regarde comme un thriller. Guerre économique, guerre tribale, tous les éléments qui peuvent tenir le spectateur en haleine sont présents et les cinéastes ne se privent pas de les utiliser. Les entretiens avec Joe ou Popina s’intègrent parfaitement au récit. Mais la majorité du film est réalisé sur le vif, dans le feu de l’action, au cœur des affrontements verbaux entre Joe et ses ouvriers papous et sur le champ de bataille où les lances et les flèches sont des armes plus redoutables qu’il n’y paraît. Les gros plans sur les visages des guerriers peints en blanc lors des funérailles de l’un des leur tombé lors des combats sont particulièrement émouvants. Ils nous mettent face à une culture qui nous reste étrangère mais où nous ressentons la présence de problèmes universaux, les rivalités individuelles et sociales et les luttes pour le pouvoir. Et la fin tragique de la trilogie ne peut que nous conduire à nous interroger sur l’avenir : la civilisation papoue peut-elle sortir indemne, en préservant ses valeurs et ses traditions, de la confrontation avec le monde blanc ?

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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