B COMME BANDE DESSINEE – Cambodge.

Le Veilleur. Céline Dréan, 2010, 50 minutes.

Travailler de nuit présente bien des avantages. Ne pas être dérangé. Échapper au stress de la journée. De quoi atteindre une certaine forme de sérénité. Séra exerce le métier de veilleur de nuit dans un grand hôtel parisien. Costume cravate, il ne semble pas être assailli par les clients. D’ailleurs les clients, on ne les voit pas. Les salles voutées du sous-sol où officie notre veilleur de nuit sont plutôt déserte. Idem pour la réception. De quoi laissé à Séra tout le temps qu’il souhaite pour se livrer à son passe-temps favori : le dessin.

Le film de Céline Dréan n’est pas, malgré son titre, un film sur le travail de nuit et ses conditions. Séra est auteur de bande dessinée., connu et reconnu. Une bonne partie du film le montre crayon ou pinceau à la main. Et pas seulement dans son hôtel la nuit. Dans son atelier parisien, on le voit réaliser de grandes compositions colorées. Un travail d’artiste qui déborde largement la publication d’albums de BD. Pourtant, ceux de Séra ont du succès malgré, ou plutôt grâce à son opposition à la mode dominante à ses débuts de la Ligne Claire, en provenance directe de l’école Belge dominée alors par Hergé. Et effectivement, les planches que la cinéaste filme plein cadre n’ont pas grand-chose à voit avec Tintin.

Mais Le Veilleur n’est pas qu’un film sur le BD. Car la personnalité de Séra et son histoire, ouvre une tout autre direction d’investigation.

Séra est cambodgien, réfugié en France avec une partie de sa famille pour fuir la dictature des Khmers rouges. Une plaie toujours vive en lui, d’autant plus que son père, qui n’a pu quitter le Cambodge a été assassiné par le régime de Pol Pot. Comment oublier le pays de son enfance et de ses racines ?

Dès l’incipit du film, le ton est donné. Nous sommes avec Séra dans un bus parisien passant devant le café des Deux Magots. Mais les images de Paris alternent systématiquement avec des images du Cambodge. Dans tout le film nous retrouverons ce va-et-vient, et pas seulement au rythme des voyages de Séra dans son pays natal. Une façon frappante de souligner sa double identité.

Mais le succès parisien de l’auteur de Bande dessinée ne saurait faire oublier le génocide qui ravagea son pays.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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