Hommage à Jean-Louis COMOLLI par Pierre Merejkowsky

En quoi Jean Louis Comolli a-t-il pu avoir une influence sur votre travail de cinéaste documentariste ?

 Grâce à l’œuvre Jean Louis Comolli, je suis convaincu que la parole ne se donne pas. Elle se prend. Donner la parole à une personne dans un film, c’est flatter son propre narcissisme afin de se convaincre que l’on n’agit pas par plaisir, mais dans la douleur d’un travail qui justifie le versement d’un salaire ou de royalties.

 Grâce à l’œuvre de Jean Louis Comolli, je suis convaincu que la parole de l’intervenant dans un film se construit forcément autour d’un lien qui se noue entre le réalisateur et son interlocuteur, lien qui renvoie à l’auto satisfaction qui peut prendre une forme de consentement/admiration ou d’agressivité/haine.

 Grâce à l’œuvre de Jean Louis Comolli, je comprends qu’il n’y a pas de réponse aux questions que nous ne posons. Trouver une réponse en forme de bouc émissaire permet de clore le débat définitivement et de retirer les méchants du reste de l’humanité permettant à chacun de se féliciter du sens de sa vie par retrait du sens de la vie de l’autre.

 Grâce à l’œuvre de Jean Louis Comolli, je comprends que les dénonciations, les explications, la transmission des actes des intervenants d’un documentaire ne sont qu’une imposture. En effet comme la clique à Bourdieu l’affirme la personne n’est que le produit de sa classe, et comme la clique à Freud le démontre la personne est le produit de son histoire familiale.

Grâce à l’œuvre de Jean Louis Comolli je comprends que la finalité du documentariste engagé consiste à ne prôner aucune révolte, aucun engagement personnel, puisque le réalisateur n’est qu’un observateur, clinicien, et que c’est du haut de son observation qu’il peut discerner la faute, les erreurs, favorisant ainsi par des appels au dialogue, à la tolérance une responsabilité individuelle qui permet aux structures de pouvoir de s’exonérer de toute responsabilité.

Grâce à l’œuvre de Jean Louis Comolli, je suis parfaitement convaincu que l’incontestable narcissisme de mes prises de paroles correspond à une pulsion de vie.

Grâce à Jean Louis Comolli je comprends enfin que les propos des documentaristes engagés en lutte contre l’injustice n’est qu’une posture, puisque au nom de leur exception culturelle nationale insoumise, ces auteurs acceptent que leurs royalties soient versés en fonction du nombre de spectateurs, signifiant ainsi qu’ils approuvent la loi du Marché qu’ils n’ont de cesse de dénoncer dans leurs films.

Pierre Merejkowsky Un confiné qui se tient sage.

Publié le
Classé dans C

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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