A vendredi, Robinson. Mitra Farahani, 2022, 97 minutes.
Une correspondance, un échange, de mots, de phrases, de pensées, d’images, de visions. Une rencontre, à distance. Dans un seul plan, les deux visages réunis, face à face, même s’ils sont l’un et l’autre de profil. Une co-présence dans un film. Un film où l’on joue. Au ping pong comme il est dit. Pas vraiment un dialogue donc.

D’un côté Ebrahim, écrivain, poète, cinéaste iranien, filmé dans une grande demeure aux pièces imposantes, aux meubles de bois baignés de lumière brune. De l’autre Jean-Luc Godard – que l’on ne présente plus – dans sa maison du bord du lac. Et, avec eux, avec chacun d’eux, une cinéaste, qu’on imagine jeune tant sa voix est frêle. En tout cas une cinéaste malicieuse pour avoir imaginé, et mis en place, ce film, ce dispositif, ce jeu. Tous les vendredis, un message part de l’un vers l’autre. Une réponse forcément au précédent. Une réponse attendue pendant une semaine. Une réponse à laquelle il faudra répondre le vendredi suivant.

Que de points communs entre nos deux correspondants. La vieillesse d’abord. Avec ses difficultés pour marcher, pour monter les escaliers. Avec ses séjours à l’hôpital sur lesquels on aime passer vite. La solitude ensuite, surtout pour Godard, qu’on voit toujours seul. Mais la nécessité de parler, ne serait-ce que par l’intermédiaire de l’ordinateur. Les écrans envahissants.

Tout au long du film, Godard reste Godard. Toujours égal à lui-même. Comment pourrait-il en être autrement. Ce que la cinéaste confirme avec quelques extraits -des citations- de ses derniers films, JLG/JLG ou Le Livre d’images. Et les textes – autre citation – qui s’inscrivent sur l’écran. « Chemins qui ne mènent nulle part ». N’est-ce pas une des traductions possibles d’un des livres de Heidegger ?

A vendredi, Robinson est un film Godardien. Par la présence de Godard. Qui ne joue pas son propre rôle. Qui est simplement lui-même. C’est-à-dire qu’il joue le cinéma. Son cinéma. Un film Godardien par la luminosité des plans sur les objets, sur les meubles, sur les visages. Un film d’images, de citations, de créations.
Est-ce à dire que Golestan en soit réduit à un rôle de figurant ? Nullement ! En fait, c’est lui qui tient le premier rôle. En commentant les envois de son correspondant, un correspondant qui n’en finit pas de l’étonner, de le surprendre, et qu’il trouve en fin de compte un peu « zinzin ». Du coup n’est-il pas dans le rôle de celui qui dit la vérité du cinéma ?

Au-delà de la correspondance France-Iran, le film de Mitra Farahani pourrait bien un jour être considéré comme un testament de Godard. On n’en finira pas de le commenter.
On aura vue Godard sourire !