12 jours ensemble. Marine Gautier, 2022, 52 minutes
12 jours pour changer de vie, changer d’espace, changer d’air. Laisser derrière soi ses habitudes, son quotidien, ses parents. Partir, s’éloigner, parfois pour la première fois à l’adolescence, entre 14 et 16 ans. S’éloigner pour quelques jours, quelques jours seulement. Le temps de vacances. Le temps d’une colonie de vacances.
Les colos, en France, sont en perte de vitesse. Depuis une dizaine d’année, leur nombre a fortement diminué. Et pourtant, tous ceux qui ont vécu les aventures qu’elles représentent les disent inoubliables et toujours formatrices. La réalisatrice en fait partie. Alors elle réalise ce film pour redonner une visibilité aux colonies de vacances et donner envie aux jeunes de venir vivre ce qu’ils ne vivront nulle part ailleurs.
C’est d’abord au niveau des relations sociales que les colos sont inégalables. La mixité sociale, on en parle partout, surtout à l’école. Pourtant, elle existe si peu concrètement sur le terrain, surtout à l’école. Dans la colo du film, elle est bien réelle, visible, palpable, dès qu’on écoute tant soi peu les jeunes lorsqu’ils évoquent leur quotidien, dans leur milieu de vie. Et, sans avoir l’air d’y toucher, sans surtout nous proposer quelque explication ou démonstration que ce soit, la réalisatrice met le doigt sur l’essentiel. Nous entendons par exemple cette jeune fille qui veut consacrer sa vie à rendre la justice. Pour cela elle sait déjà qu’elle fera l’école de la magistrature. A un autre moment, nous voyons ce garçon qui prépare trois cartes postales à envoyer aux trois familles d’accueil qu’il a connu successivement dans sa vie.
Le film nous propose ainsi une vision particulièrement pertinente de ces adolescents qui visiblement oublient la caméra et évoquent en toute franchise leurs soucis du moment et surtout leurs rêves d’avenir. Nous n’échappons pas toujours aux clichés. Les garçons échangent sur la meilleure façon de conquérir les filles. Et les filles se questionnent sur le sens de leur vie. Mais la réalisatrice ne cherche pas en priorité l’inédit ou l’originalité. Ce qui compte, ce n’est pas uniquement ce que disent les ados, mais bien plutôt la façon dont ils le disent, le contexte relationnel dans lequel ils en viennent à s’exprimer. Et puis il y tous ces jeux, organiser ou spontanés, où le collectif l’emporte sur l’individuel, où le plaisir de la rencontre avec l’autre, avec les autres, est primordial et si bien mis en évidence par le filmage, avec ses cadrages « participatifs » et son montage dynamique et percutant, comme la vie des ados eux-mêmes.
Nous sommes loin ici d’un style à la Wiseman où les plans s’étirent pour donner à voir la totalité d’une situation. On sait que cela a pour résultat de déboucher sur des films d’une durée toujours conséquentes. Chez Wiseman, un film de deux heures est un court-métrage !
12 jours, c’est bien court au fond. Mais le souvenir des nuits passées à la belle étoile est impérissable.
Festival International du Film d’Education, Evreux, 2022.