FILMER LA POESIE.

L’homme qui penche. Olivier Dury, Marie-Violaine Brincard, 2020, 94 minutes.

Un poète : Thierry Metz (1956-1997)

Filmer la poésie, comment est-ce possible ?

Pour la bande son, pas de problème. Une évidence : donner la parole au poète. Ou plutôt à la poésie. Donc pas d’entretien, de déclarations, du poète ou de ses proches. Surtout pas des experts. La poésie, rien que les textes. Dits en voix off par un acteur. Une diction simple, directe, efficace. Pas du tout sur le mode théâtral ou de la déclamation. Pas d’incantation non plus. Rendre justice à la simplicité des poèmes. Avec leur évidence. Choisis par ordre chronologique dans la totalité de l’œuvre publiée.

Et les images ?

Ici, pas d’archives. Pas de photo du poète, de sa famille, de sa vie. Pas de vidéos familiales. Le poète se résume entièrement dans sa poésie. Il ne peut être rencontré que par sa poésie.

Sa vie est résumée par trois panneaux, trois textes courts, sobres, précis, concernant trois événements, trois étapes – fondamentales il va de soi – de sa vie : la mort d’un de ses enfants à ; la séparation d’avec la mère bien-aimée de ses enfants ; le suicide dans un hôpital psychiatrique. Rien de plus. Mais une mine inépuisable pour aborder les poèmes de Thierry.

Le filmage a une grande unité tout au long du film. Il nous donne à voir les lieux où Thierry a vécu et travaillé. Où il a écrit. La maison au bord de la route – filmée sous divers angles extérieurs. Les bois, les champs, le fleuve, le canal le long du fleuve. Le chantier. Puis dans la dernière partie, l’hôpital.

Toujours des plans longs, fixes, à l’exception de quelques mouvements de caméra. Un travelling en suivant un homme qui marche sur un sentier forestier ; un ou deux panoramiques sur les arbres de la forêt. Presque pas de mouvement dans le cadre non plus : des oiseaux qui se posent sur un fil téléphonique, des voitures, des camions sur la route devant la maison. On entend parfois le train qui passe, mais il reste presque toujours hors-champ. A l’exception d’un plan extraordinaire où il est vu depuis l’intérieur de la maison dans la profondeur de champ créée par une porte ouverte offrant une vue restreinte sur l’extérieur. Sur le chantier où Thierry gagne sa vie comme manœuvre on entend quelques bribes de conversation, toujours utilitaire, entre ouvriers. Dans l’hôpital les dialogues seront plus fournis, bien que restant restreints à quelques phrases.

Un film poétique donc. Grâce aux images choisies tout autant qu’aux textes lus. Un hommage au poète disparu et à sa poésie. A toute la, poésie.

Publié le
Classé dans H Marqué

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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