Adieu Sauvage. Sergio Guataquira Sarmiento, Belgique-France, 2023, 92 minutes.
Dans la langue des Indiens Cacua, dans l’Amazonie colombienne, le mot Nostalgie n’existe pas. Est-ce dire qu’il n’éprouve jamais ce sentiment ? Ou bien, comme le pensent en général les blancs, est-ce parce que les Indiens n’éprouvent pas d’émotions ? Affirmation qui n’est que pur mépris, bien sûr.


Sergio Guataquira Sarmiento, est d’origine Indienne. Depuis qu’il a quitté la Colombie pour venir s’installer en Europe, il rêve de revenir dans le pays de ses racines. L’occasion – le prétexte – du voyage, nous dit-il, sera un article de journal évoquant une série de suicides chez les Chibchas. Un nombre « anormal » de morts par pendaison dans la forêt. Contre toute attente, le cinéaste découvrira dès son arrivée en Colombie que ces suicides sont dus à des « histoires de cœur ». Suite à des déceptions amoureuses, les jeunes filles comme les jeunes garçons perdent, dit-il, « leur désir de vivre ». Abandonnée par son amoureux la fille d’un shaman brésilien s’était pendu. Fou de rage, celui-ci lança un sort à toute les communautés colombiennes. Et c’est pour cela qu’ils ne savent pas dire « je t’aime » dans leur langue.

La totalité du film de Sergio Guataquira Sarmiento se passe dans la forêt, dans un petit village où un autochtone, nommé Laureano, qui parle espagnol, l’invite en lui proposant un marché : chacun devra tout apprendre à l’autre de sa culture. Marché de dupe presque . Sergio fera vite l’expérience qu’il ne peut pas lui apprendre grand-chose de la culture européenne. Par contre il fera tout son possible pour vivre comme ses hôtes et faire siens leurs mœurs en suivant leurs coutumes. Par exemple s’il veut manger le coq, il devra le tuer de ses propres mains. Une épreuve désagréable, d’autant plus qu’elle se déroule devant les enfants du village. Au fond comment pourrait-il échapper au paradoxe de tout exilé ? A l’école ses camarades se moquaient de lui parce qu’il était indien. Maintenant qu’il vit parmi eux, il se rend compte qu’il est considéré comme un blanc.

Travailler dans la forêt révèle vite les faiblesses de Sergio. Laureano l’envoie alors travailler avec les femmes. Le résultat n’est pas plus concluant. Reste qu’il devienne l’entraineur de l’équipe de foot féminin. Lui qui ne connait rien à ce sport connait quand même le consécration le jour de la première victoire de son équipe !

Pourtant il sent bien que peu à peu, à force de vivre et de travailler ensemble, des liens d’amitié naissent entre lui et Laureano. Ce dernier se confie de plus en plus souvent à lui, révélant ses tourments affectifs qu’il n’a jusque-là jamais confié à quiconque. Une relation empreinte d’une grande sincérité et chargée d’émotion.

Le noir et blanc du film, passant d’une grande luminosité au sombre le plus profond, donne aux images une tonalité très affective. Finalement, même si le mot nostalgie n’existe pas, c’est bien de cela qu’il s’agit, et pas seulement dans le ressenti de Sergio.
Cinéma du réel, Paris, 2023.
