Danger amiante.

La part du feu. Emmanuel Roy, 2013, 88 minutes.

         L’amiante tue. L’amiante continue de tuer, près de vingt ans après son interdiction en France, une interdiction bien tardive d’ailleurs, alors que sa nocivité était connue depuis bien longtemps. Les victimes de l’amiante, sacrifiées sur l’autel du profit économique. C’est cela aussi la part du feu.

         C’est cette réalité que le film d’Emmanuel Roy se propose de faire connaître. Pour cela, il donne la parole aux victimes, ou à leurs proches. Il rencontre ceux qui agissent pour faire reconnaître les maladies dont ils souffrent comme maladies professionnelles ; ceux qui luttent pour obtenir une indemnisation mais aussi pour faire condamner les entreprises et l’Etat. A propos de l’amiante, il y a eu trop de négligence, trop de laisser-faire. La santé individuelle n’a pas pesé bien lourd face aux enjeux économiques.

         Cette réalité, politique au fond, le film ne l’aborde pas sous une forme militante. Il ne propose pas une démonstration systématique des méfaits de l’amiante, même s’il donne aussi la parole ç des spécialistes. Emmanuel Roy fait plutôt un film personnel, un film où il se met lui-même en jeu en tant que cinéaste. S’il s’est engagé dans ce projet, c’est que son père est mort d’un mésothéliome, le cancer de l’amiante, alors que proviseur dans un lycée, rien ne pouvait laisser penser qu’il serait un jour victime de l’amiante. Seulement voila, dans le collège où il est en fonction, plus de vingt ans auparavant, il suit le chantier de désamiantage entrepris, et cela sans utiliser de protection. Il n’y a pas que les ouvriers du bâtiment qui sont exposés aux risques de l’amiante.

         Le cinéaste a retrouvé le journal écrit au jour le jour par son père tout au long de sa maladie et il en fait le fil rouge de son film. Un récit particulièrement émouvant qui retrace la découverte de la maladie, les hésitations des médecins quant au diagnostique ou leur volonté, plutôt maladroite de ne pas laisser entrevoir au malade l’issue inévitable. Chaque séquence du film est ainsi ponctuée par ces propos intimes d’un homme qui s’interroge sur son avenir et qui découvre peu à peu qu’il est condamné.

         Emmanuel Roy filme la présence de l’amiante dans notre environnement immédiat, là où on ne s’attendrait pas à en trouver. Il filme le travail d’une inspectrice qui dirige la recherche d’amante dans les bâtiments lors d’un projet de reconstruction. Il filme aussi, longuement, le chantier de désamiantage d’un gymnase, s’attardant sur la façon dont les ouvriers s’efforcent de rendre leur combinaison futuriste totalement étanche et, après le travail, comment ils la décontaminent à l’aspirateur. Il y a aussi dans le film beaucoup de plans de paysages, les usines de l’étang de Berre qui contrastent avec la nature filmée dans de longues vues subjective d’un sentier de forêt parcouru par un promeneur.

         La part du feu, un beau titre pour un film plein de pudeur et de retenue, mais qui nous interroge d’autant plus fortement sur les dangers souvent cachés du monde moderne.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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