Relaxe. Audrey Ginestet, 2023, 92 minutes
Contexte.
L’arrestation et la mise en examen de neuf membres de ce qu’il a été dès lors coutume d’appeler « le groupe de Tarnac », et qualifiés par la ministre de l’intérieur de l’époque de « groupuscule d’ultra gauche tendance anarcho-autonome ». Ils sont accusés d’avoir saboté des lignes SNCF, un acte qualifié de terrorisme. Le procès n’a lieu que 10 ans après cette inculpation. Le verdict est sans appel. Ils sont tous relaxés. « Le groupe de Tarnac est une fiction » dira le jugement. Une fiction politique à laquelle les médias ont largement contribué.

Enjeu.
Le film ne montre pas le procès, mais la préparation du procès du côté des accusés. Pour cela ils mettent en place une mise en scène, où des camarades sont à la place des juges, les accusés étant dans leur propre rôle. Les premiers posent des questions auxquelles les seconds s’efforceront de ne pas répondre. Même si le lieu où cela se déroule n’est pas un tribunal (une reconstitution de tribunal), on a bien affaire à un film de procès, un film sur la justice et sa fonction politique. Même si les attendus du jugement sont une véritable claque au pouvoir en place, il n’en reste pas moins que c’est l’appareil judiciaire qui est aux commandes des 10 ans que dura l’instruction, 10 durant lesquels la présomption d’innocence ne fut jamais utilisée en faveur des accusés. 10 ans donc vécus sous le joug d’une inculpation avec tout ce que cela peut avoir de traumatisant.
Personnage(s)
Sur les neuf accusé.e.s, le film en suit particulièrement trois, et met systématiquement au premier plan Manon qui est le véritable centre du film. Il est à noter que celui qui est présenté par la justice et par les médias comme le leader du groupe, Julien Coupat, n’est pas présent dans le film. Nous n’entendons sa voix que dans un court extrait d’une interview radiophonique. Le film s’inscrit parfaitement dans la logique anti-leadership des accusés et de leurs amis.
La réalisatrice est visiblement très proche de Manon, qui dans la vie est membre de sa famille. Elle en fait un portrait plein de sympathie, celui d’une personne engagée (on ne peut pas vraiment dire qu’elle est militante au sens habituel du terme), avec des idées précises qu’elle met en œuvre dans sa vie quotidienne. Le film l’érige quasiment en modèle.

Evaluation.
Film original sur la justice puisqu’il ne suit pas le schéma classique du genre, en ne filmant pas les professionnels (juges ou avocats) ni les spécialistes du droit (enseignants ou journalistes). La mise en scène du procès, dans sa fonction de préparation, permet de nous focaliser sur la position des accusés et particulièrement sur le vécu et le ressenti de Manon. La détermination de cette dernière donne le ton de l’ensemble du film. Un film qui prend position bien sûr, mais qui le fait avec beaucoup de nuances et sans jamais s’enfermer dans un discours convenu.
Note 89/100
