La Cour de Babel. Julie Bertuccelli. France, 2014, 88 minutes.
Arrivés en France sans parler français, ou très peu, ils vont passer une année dans une classe d’accueil d’un collège pour acquérir cette langue, sans laquelle ils ne pourront ni suivre une scolarité réussie, ni s’intégrer dans ce pays nouveau pour eux. La classe que Julie Bertuccelli va suivre pendant une année au collège de la Grange-aux-Belles, dans le Xe arrondissement de Paris, comporte 24 élèves, de 11 à 15 ans et venant de pays aussi divers que Pologne, Mali, Croatie, Roumanie, Biélorussie, Guinée, Brésil, Chili, Irlande du Nord, Angleterre, Serbie, Libye, Venezuela, Sri Lanka, Ukraine, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Chine, Maroc. Les raisons qui les ont conduits à venir en France sont alors bien différentes. Certains viennent pour apprendre la langue, être bilingue étant considéré comme un atout important. D’autres, les jeunes africaines en particulier, n’ont que cette solution pour faire des études, ce que leur famille leur refuse dans leur pays. Il y a aussi des raisons familiales, retrouver sa mère par exemple. Et aussi des demandeurs d’asile, comme cette famille juive persécutée en Serbie. Un jeune garçon est venu, lui, pour finir sa formation de violoncelliste. La plupart ont déjà été scolarisés et si les niveaux de vie de ces familles sont bien inégaux, on n’est pas en majorité dans le contexte de l’immigration pour cause de pauvreté. Ici l’établissement scolaire n’a pas à s’occuper des conditions matérielles, logement et nourriture, de ces élèves, ou du moins le film ne s’oriente pas dans cette direction. Il se focalise sur le problème de la langue. Ce que le titre dit clairement. Le choix de ne suivre que le cours de français aussi.


Nous suivons donc quelques-unes des activités pédagogiques qui vont permettre à ces jeunes si différents de progresser dans la langue de Molière. Ils se présentent, évoquent leur arrivée en France, comment ils ont vécu le départ de leur pays où, pour la majorité, ils ne reviendront jamais. La professeure de français qui les guide tant au niveau de la correction des phrases que de la prononciation, est omniprésente, mais le film la laisse souvent hors cadre, privilégiant les gros plans sur les visages des élèves ou les vues plus larges sur leur groupe. Les situations de communication proposées doivent aussi permettre de souder le groupe. Les élèves apprennent à se connaître et surtout à s’accepter les uns les autres dans leurs différences. S’il est important qu’ils gardent leur langue d’origine, il en est de même pour leur culture, et leur religion, surtout si cette dernière tient une place importante dans leur vie. Cet aspect relationnel est aussi au centre du travail vidéo qui est entrepris. Les élèves réalisent un film qui sera présenté, et primé, à Chartres au festival des films scolaires. Un grand moment de bonheur pour les élèves. La réalisation de leur œuvre vidéo tient pourtant une place minime dans le film de Bertuccelli. Visiblement, elle a choisi de privilégier le travail d’accompagnement réalisé par l’enseignante de français, ses réceptions des parents et les entretiens individualisés avec les élèves, soit pour commenter avec eux leurs résultats scolaires et envisager la suite de leurs études, soit pour évoquer les différents problèmes qui surgissent dans la classe. Le cas de la jeune africaine qui se vit en opposition avec l’ensemble de ses camarades est ainsi abordé à plusieurs reprises. De façon indispensable par rapport à d’autres contextes scolaires, l’enseignant est ici, peut-être avant tout, un éducateur.


La Cour de Babel est un film résolument optimiste. Les élèves ont fait d’importants progrès dans le maniement du français et à la fin de l’année, et du film, ils ont beaucoup de mal à se quitter pour suivre chacun des voies différentes. Même l’enseignante, qui vient d’être promue inspectrice, ne peut retenir son émotion et ses larmes. C’est ainsi l’image de la France terre d’accueil qui est nettement revalorisée. Elle en avait bien besoin.
